Grain de poivre

Ours et loups, même combat

Non les ours ne sont pas des animaux de compagnie, mais des bêtes fauves. De même que les loups.
Un garçon de 11 ans a été tué dimanche dernier par un ours, qui l'a arraché à sa tente avant de le traîner sur plusieurs centaines de mètres, sur un terrain de camping d'un parc naturel de l'Utah (Etats-Unis). Un jour un ours dans les Pyrénées, un loup dans les Alpes, s’en prendra à un enfant. Les écolos qui pensent que les animaux sauvages sont naturellement « gentils », et qu’ils ne mangent que quand ils ont faim et surtout pas les petits enfants sont des inconscients criminels. Autrefois, dans les cours de ferme où on avait l’habitude de laisser vaguer le cochon on faisait justement très attention à ce que les petits enfants ne traînent pas par là : les cochons qui sont pourtant des animaux domestiques auraient risqué de les manger. Mais oui, c’est arrivé et la phrase « Tu grandiras si les cochons ne te mangent pas » n’est pas une blague
Je me demande quand même quelle serait la réaction des défenseurs patentés de la nature si l’on réintroduisait les lions dans les Pyrénées et les Basses-Alpes : après tout ils y étaient bien chez eux du temps des Romains.

http://www.pyrenees-pireneus.com/OURS-SecuriteRecommandations.htm

http://www.jne-asso.org/archives/02/09_novembre/loups.html

http://www.loup.org/spip/Le-retour-du-loup-dans-les-Alpes,468.html

Grain de poivre

Séparation Hollande-Royal

Eh bien nous voilà en plein Voici.

Biodiversité

J’aime bien regarder les émissions sur la nature : animaux, forêts vierges, abysses… Hélas, le commentaire s’en tient rarement au factuel. Il faut toujours que le présentateur glisse son petit credo écolo-naturaliste. Dernièrement, cette conclusion prononcée du ton pénétré, emphatique et exalté d’une profession de foi m’a laissée perplexe : « La biodiversité permet de maintenir la vie ». Ainsi la biodiversité ne serait pas une propriété de la Création mais une divinité créatrice ?

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Maladies lysocomiales

J’achète un livre à la Fnac. Comme c’est « pour un cadeau », je me rends au stand ad hoc. Deux clients me passent devant. Ca me met de mauvaise humeur et je le fais savoir. En attendant, je rumine mon impatience. Mon regard se pose sur une tirelire, tiens, c’est pas gratuit ? Puis je m’avise que la personne qui fait les paquets est assez âgée. Pas encore à la retraite celle-là, ils les gardent longtemps à la Fnac ! Pour passer le temps, je lis le panneau latéral que j’ai jusque là regardé sans le voir. Ca y est, j’ai compris, les dames qui font les paquets sont des bénévoles d’une association qui se mobilise contre les maladies lysocomiales. La jeune femme qui a volé mon tour s’acquitte d’une pièce. Ce n’est pas moi qui en ferais autant, avec tous les impôts que je paie, plus la csg et la crds, j’ai donné contre toutes les maladies de la terre. L’instant d’après je me dis en pensant à certaines affections que je connais malheureusement trop bien, que si la recherche avançait… Et je cherche une pièce : que des pièces rouges. Impossible, même si je les mets toutes, ça fait trop pingre, que pensera celui qui comptera la monnaie ? C’est mon tour. Merci Madame. Je m’esquive, mal à l’aise. J’ai mauvaise conscience. C’est un comble.

http://www.orpha.net/static/FR/cystinose.html

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Legal & General

Je peux vous l’avouer, j’ai un contrat d’assurance-vie chez Legal & General, une compagnie britannique avec laquelle mes relations sont exclusivement téléphoniques ou épistolaires. Pas d’agence, donc des économies de gestion substantielles. Ma correspondante, une certaine Sylvie, me chouchoute. Et tous les deux ans, elle me gâte. La première fois en cadeau gratuit de fidélité, j’ai goûté les charmes d’un dîner pour deux personnes au « Petit Riche », une brasserie début XX^e du côté de Drouot (et je peux vous dire que ça n’est pas précisément pour les petits riches). Il y a deux ans, une pièce d’or est venue abonder mon capital. Dans la galette des Rois familiale, ça a fait un effet bœuf. Cette année, c’est du caviar. Pas moins. La livraison en a été annoncée il y a huit jours. J’ai poireauté toute la matinée d’hier et en fait de caviar j’ai eu droit à un lapin. Du coup, pour se racheter, aujourd’hui le transporteur m’a dépêché un coursier. Lequel est arrivé avec un colis de 20 x 30 x 19 cm assez lourd ma foi. Fichtre, Sylvie ne se moque pas de moi. J’ouvre. Las, sous l’emballage je tombe sur une boîte en polystyrène remplie de copeaux du même matériau et, tout au fond de celle-ci sur une deuxième boîte, en carton cette fois, de dimensions nettement plus modestes (9 x 9 x 5 cm). Ladite boîte renferme un petit bocal contenant 20 g de caviar (à peu près deux cuillers à soupe). La suite dans deux ans.

http://www.lgfrance.com

http://www.caucaz.com/home/breve_contenu.php?id=173

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Carglass

Certaines publicités audio me hérissent le poil comme par exemple celle de la Maif avec son assureur militant. J’éteins carrément la radio dès que je perçois la voix exaspérante de la militante de service. D’autres en revanche me mettent de bonne humeur. J’aime bien Philippe, sa petite famille, Belle-Maman et leurs tickets Leclerc. Comme dans un feuilleton j’attends le prochain épisode. Mais le clou, c’est le technicien Carglass à Courbevoie (Thierry ?) : plus franchouillard et Jojo la Débrouille, tu meurs. Là, je me marre franchement. Et en plus la publicité est véridique, j’en ai fait l’expérience : Carglass remplace, Carglass répare !

http://www.carglass.fr/

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La vie à la course

Je réponds au commentaire d’Elle50 sur ma note « Redoublement » d’hier.

On se demande en effet ce qui peut conduire les parents à forcer leurs enfants comme une plante de serre. J’ai marché à onze mois. J’ai su lire à tout juste cinq ans, j’ai fait ma première communion à six, je suis entrée en sixième à neuf, grâce au redoublement je n’ai eu mon bac qu’à 17. J’ai terminé mes études supérieures et je me suis mariée à 21. A 23 ans j’avais deux enfants. Depuis toujours je cours et je continue à courir, le pli ayant été pris depuis le début. C’est plus fort que moi. Je n’en suis pas fière, il n'y a vraiment pas de quoi. J’ai été conditionnée.

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Redoublement

Doit-on ou non faire redoubler les enfants ? La question, comme le monstre du Loch Ness, refait  périodiquement surface. D’ailleurs dans la manie contemporaine de masquer la réalité pour qu’elle ne soit pas trop dure, on doit désormais dire « maintien » et non redoublement. De toute façon, comme le faisait remarquer un de mes professeurs de français, ce mot est impropre car il signifie qu’on triple puisqu’on double une deuxième fois… Mais positivons ! Pour ma part j’ai redoublé (doublé ?) la quatrième et c’est franchement ce qui a pu m’arriver de mieux. Il est vrai qu’entrée en sixième à neuf ans je n'en avais que onze au début de ma première quatrième et que j’étais complètement larguée. A partir de ce redoublement j’ai enfin été à l’aise en classe alors qu’auparavant je vivais dans la terreur des mauvaises notes qui me pendaient au nez et qui ne manquaient pas de déclencher les réprimandes de mes professeurs et les sévères punitions de mes parents. Par la suite, je n’ai plus jamais rencontré de difficultés scolaires. Alors, le redoublement, je suis pour.

Signalétique

La promenade dominicale nous mène dans le nouveau quartier de la TGB. Impossible de se garer et des flics rodent. De toute façon pas moins de trois parkings sont signalés : Très grande bibliothèque, Tolbiac et Vincent Auriol. L’embarras du choix. Allons-y. La direction est la même pour tous les trois. Cinquante mètres plus loin, inexplicablement, Très grande bibliothèque s’est évanouie. Va pour Vincent Auriol. Le pauvre passe également à la trappe. Tant pis, il y a encore la ressource de Tolbiac. Mais il disparaît à son tour. A tout hasard nous prenons à gauche. Ouf, la flèche Tolbiac réapparaît, et même plusieurs fois, nous n'avons pas perdu la bataille, ça ne doit plus être très loin. Un vrai jeu de piste qui nous nous fait faire le tour du quartier et nous ramène à notre point de départ. Nous avons dû louper quelque chose. Roulons tout doucement. Et si nous tournions à droite, histoire de voir. Coup de pot, deux rues plus loin nous tombons sur Vincent Auriol.
Ah, ah, ah, félicitations, Grain de poivre, vous avez su déjouer les pièges tendus malicieusement par la signalétique municipale, vous avez gagné le droit de vous balader sereinement sans crainte d’attraper une contredanse !

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Le monde du mépris

Rien de tel que les boutiques chics pour avoir des vendeuses snobs. Une réalité que j’ai encore pu vérifier en allant m’approvisionner en capsules de café Nespresso rue de Prony à Paris. Au rez-de-chaussée d’un petit hôtel particulier le magasin est propre à donner au client l’illusion qu’il appartient à un monde privilégié. Décor branché, lumières tamisées, savante mise en scène de milliers de capsules mordorées. Pourtant on y fait la queue comme dans n’importe quelle épicerie de quartier. Lorsqu’enfin vient votre tour, une jeune personne vous demande avec hauteur vos coordonnées. On n’a pas intérêt à la contrarier. Non, décidément, vous ne figurez pas dans le fichier clients. Ah bon, va-t-on malgré tout condescendre à vous vendre du café ? Oui quand même. Mais ça se mérite. Peut-être que ça fait partie de la stratégie marketing de la maison de donner au client le sentiment qu’il a enfin accès au monde du mépris. Cette attitude n’est pas nouvelle. Il y a quarante ans déjà elle était très répandue notamment parmi les vendeuses de Franck & Fils rue de Passy. On avait toujours l’impression en achetant une paire de bas d’être une misérable cendrillon, surtout quand on faisait attention au prix. Bien sûr personne ne m’obligeait à acheter des bas chez Franck ni ne m’oblige à acheter des doses Nespresso. Mais les bas étaient très bien et ma machine à café ne marche qu’avec ce conditionnement.

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A toute allure

Heureusement que je vais de temps en temps chez le coiffeur. Ca me permet de me tenir au courant de l'existence palpitante et accélérée des pipoles. Aujourd’hui par exemple dans Gala j’ai appris que Benjamin Castaldi et Flavie Flament, à défaut de réussir leur mariage, avaient décidé de réussir leur divorce après une vie de couple vécue à 200 à l’heure. Puis que Bixente Izarazu (beau gars au demeurant) a mené sa carrière de footballeur à 300 à l’heure. A ces vitesses n’importe qui irait droit dans le mur.

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Sécurité routière

Aujourd'hui sur l'autoroute j'ai doublé un type qui lisait un roman en conduisant. Authentique. A côté de ça, téléphoner au volant c'est de la petite bière.
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Girolles (fin)

Girolles (suite)

Ca y est, j’ai identifié mon maraudeur. Vers midi j’entends le quad prendre la direction du bois de la Comme. J’attends un quart d’heure et je m’y rends en voiture. Comme ça tout le monde saura où je suis, à la campagne les arbres ont des yeux. Je me gare à l’entrée du chemin aux grandes herbes. Lesquelles sont couchées de frais. Je suis les traces, l’engin est arrêté juste à la corne du bois devant la trouée qui y donne accès. J’avance, je trouve tout de suite quelques girolles et j’appelle.
— Ouh, ouh, c’est vous Louis ?
Louis répond en écho et s’approche.
— Ah, c’est vous Grain de poivre, je cherche quelques champignons. Tenez, échangeons nos poches.
Sa poche pèse bien quatre cents grammes.
— C’est gentil ça, merci bien. C’est qu’il y en a pas mal ces temps-ci. Et ils sont jolis !
— Oui, j’en ai trouvé il y a quelques jours dans un autre bois. Là je me disais, en allant voir le blé... C’est que moi, les champignons c’est ma passion !
S’ensuit un échange de considérations sur l’art et la manière de les débusquer au cours duquel nos pas s’éloignent jusqu’à ce que nous nous perdions de vue. Un quart d’heure plus tard j’entends le quad démarrer et à travers les arbres j’aperçois Louis qui fait le tour de sa pièce de blé.
Il a sauvé la face. Le plus étrange est que j’éprouve un vague sentiment de culpabilité à l’avoir surpris la main dans le sac. Pour un peu j’aurais pitié de lui. A l’avenir il évitera sans doute de visiter nos bois lorsque nous séjournons dans le pays. Parce que quand nous sommes à Paris, ça serait dommage de laisser perdre cèpes et chanterelles.

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Printemps 2007

Le printemps est arrosé. L’herbe, les fleurs, les arbres n’en peuvent plus d’une croissance accélérée et décalée par l’épisode estival d’avril. A peine si l’on a vu passer les iris fleuris fugacement trois semaines trop tôt. Les hortensias rosissent déjà tandis que les cerisiers, les pêchers et les abricotiers sont avares de promesses. La vigne en revanche laisse espérer et les roses sont somptueuses.

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Girolles

Il pleut sans arrêt depuis des semaines mais il ne fait pas froid. Résultat, les girolles abondent. Hier, je prends le chemin le chemin du bois de la Comme. Etrangement, les hautes herbes sont couchées à contresens. Et on distingue fort bien les deux traces parallèles des roues d’un quad. Il n’y a qu’un propriétaire de quad dans le hameau, un agriculteur avec qui nous entretenons depuis des lustres des relations confiantes et amicales. Le champ de l’autre côté du chemin lui appartient.
Une fois à pied d’œuvre, je ne suis pas déçue, une petite tache jaune orangé, on dégage les feuilles et on tombe sur une mine de champignons. Et sur des pieds bien coupés au couteau. Tiens, tiens, un maraudeur est venu visiter nos bois avant moi. Il n’a pris que les grosses chanterelles. Pour les vendre en ville sans doute.
Aujourd’hui j’y retourne, ma cueillette est encore plus abondante que la veille, plusieurs kilos, mais mon voleur m’a précédée. Il ne se fatigue guère, tel le Petit-Poucet il laisse derrière lui, le long des sentes tracées par le gibier, des trognons bien nets. Il n’a atteint le bois qu’à pied puisqu’il n’y a aucune trace de pneus. C’est forcément quelqu’un du coin. La voisine qui habite la dernière maison doit savoir quelque chose. Quand je suis passée hier elle m’a lancé finement « Alors, vous allez aux champignons ? » « Comment le savez-vous ? » « Oh, il y a beaucoup de gens qui y vont ces jours-ci ! » A la campagne tout se sait. Mais comme le mari trompé je serai la dernière à savoir qui est le chapardeur.

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Feuillages

En mai les verts sont si divers et si intenses qu’ils diffusent une lumière noire.

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Prévisions électorales

Il en est du résultat des élections comme de l’échographie anténatale. La prévision certifiée gâche l’angoisse délicieuse et redoutée de l’attente du résultat : garçon ou fille, droite ou gauche ? Hier grâce à internet je savais dès le milieu de l’après-midi que Sarkozy était élu, à cause d’internet j’ai été privée de ma dose d’adrénaline présidentielle.

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Professeur Paul Hitaisse

Les enfants sont conformistes, ils ont un besoin absolu de savoir ce qui se fait et ce qui ne se fait pas. C’est vraiment dommage de ne pas en profiter pour leur enseigner les bonnes manières, de préférence en les amusant. Le livre de Philippe Dumas, Le Convive comme il faut*, au service du Professeur Paul Hitaisse, dont les illustrations sont hilarantes, les fait mourir de rire. Ce guide des usages de table pour les gourmands qui veulent être réinvités dresse le catalogue des fautes rédhibitoires, du stade du malotru qui fait des bruits de bouche à celui de la créature innommable qui suce son pain et s’en sert à nouveau comme d’une éponge. Le catalogue des attitudes exemplaires conseille de ne pas faire remarquer qu’une mouche s’est noyée dans le potage et d’être aussi aimable avec sa voisine de droite qu’avec celle de gauche. Mais bien des grandes personnes pourraient en prendre de la graine : ne pas boire la bouche pleine, ne pas déplier sa serviette par flemme d’avoir à la replier mais ajouter son doux babil à la conversation, se servir en laissant le plus beau morceau pour le suivant par exemple.

 *Editions L’école des loisirs, 11 rue de Sèvres, Paris 6^e

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Mouchoir

Le mouchoir en tissu a disparu de la circulation. Le mouchoir en papier jetable et hygiénique l’a remplacé. Enfin pas tout à fait. Car un mouchoir traditionnel a toute sorte d’usages que ne peut remplir son fac-simile. On le transforme en pansement et en coiffe de fortune. On y fait un noeud pour ne pas oublier un rendez-vous. Parfois il sert de torchon, voire de chiffon pour essuyer le pare-brise. Pendant des siècles il a été le messager et le fétiche des amoureux : tombé à terre, oublié à dessein, parfumé, conservé comme une relique, trempé de larmes amères. Parfois il était l’instrument du malheur et du déshonneur : le théâtre et les romans de cap et d’épée pullulent de maris volages trahis par ce petit bout d’étoffe. C’était aussi, comme on dit aujourd’hui, un marqueur. Grand format pour les hommes (parce qu’ils ont un plus grand nez ?), réduit pour les dames. A grands carreaux, en coton et ourlé à la machine dans les classes populaires, en fil et brodé main chez les gens chics. Quand s’est-il esquivé ? Dans les années 80 mais il l’a fait si discrètement qu’on ne s’en est pas rendu compte.

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Le Bon Marché

Mes pas m’ont portée aujourd’hui au Bon Marché qui n’a plus d’économique que le nom. Ce ne sont qu’accessoires et vêtements de luxe, tous plus beaux et hors de prix les uns que les autres. A l’exact opposé de ce qu’était ce grand magasin du temps de mon enfance et de mon adolescence. On n’y vendait alors que des articles utiles, à l’épreuve des modes (du moins le croyait-on) : boutons de nacre, bicyclettes « Peugeot », brosses à cheveux en poils de sanglier et bois de palissandre, baptiste pour brassières de nourrissons, uniformes scolaires et laines à tricoter. Les bonnes sœurs et les prêtres dont le quartier était peuplé venaient s’y fournir. Un rayon particulier leur était réservé, mystérieux. Les familles nombreuses et les actionnaires jouissaient d’une réduction de 5 % sur tous leurs achats. Souvent d’ailleurs les familles étaient à la fois nombreuses et actionnaires, je ne sais si leur réduction était doublée. Le parquet aux lames de chêne usées craquait sur les solives. Mais les portes d’entrée aux grandes poignées de cuivre n’ont pas changé : elles ouvrent désormais sur un univers qu’un certain ordre du monde a déserté.

Grégory

Ainsi Grégory Lemarchal, vedette de la Star Academy 2004, a été emporté par la mucoviscidose à presque 24 ans. Sa victoire nous faisait croire qu’il n’était pas plus mortel que n’importe quel autre garçon de son âge. C’était rassurant. Eh bien non. Mais son courage en face de la maladie est pour tous, jeunes comme vieux, une formidable leçon de vie. Il s’est battu avec des armes qui nient la plainte, la chanson, les sunlights, les paillettes, les applaudissements et dont la futilité n’est en la circonstance qu’apparente.

http://www.celebrinet.com/fr/television/emissions/star_academy_4/gregory_lemarchal/gregory-lemarchal.html

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Dépenser moins

La superette locale m’invite à accumuler des bons d’achat pour dépenser moins. Aux infos, une dame se réjouissait de pouvoir désormais jouer au casino du coin centime par centime : « Je vais pouvoir venir plus souvent en dépensant moins ». Bref vous l’avez compris, plus on dépense, plus on économise. C’est quand même moins fatigant que de travailler plus pour gagner plus.

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Poivre vert

Si ce n’est pas une volée de poivre vert, je veux bien être moulue.
Comme quoi on ne se rend jamais compte de la portée de ce qu’on écrit ni des mots que l’on emploie…

Le message qui suit a été envoyé par Martine Laba à la suite de mon courriel en nombre d’hier soir.

 Bonjour
Bon je ne sais pas comment j’ai réussi à recevoir ce courriel et son lien vers votre blog. J’ai donc parcouru celui-ci. J’ai été bien rassurée de savoir que Pouloubrin avait même une Noire ! Quelle ouverture d’esprit. J’ai encore été plus contente d’apprendre que les “gens modestes” dépensaient un fric pas possible en bouffe. On se demande bien où ils trouvent tout cet argent, c’est louche tout ça. Mais rassurez-vous bientôt les machines remplaceront les caissières empotées qui ne savent même pas changer un rouleau de caisse. Quant à vos propos sur les gens d’extrème gauche c’est à pleurer (de rire ?). Non madame, les pauvres n’ont pas la haine des riches, les pauvres ne veulent que gagner décemment leur vie pour accéder à un minimum : logement décent, emploi stable et valorisant. Et si vous avez raison sur les dérives de l’histoire : communisme, stalinisme, maoïsme, du côté de la droite ce n’est pas mal non plus car Hitler n’était pas de gauche que je sache pas plus que tous les dictateurs d’Amérique du sud.
Bref, chère Madame, je respecte votre point de vue, tout le monde n’étant pas obligé de penser comme tout le monde, mais veuillez avoir l’obligeance de bien vouloir me rayer de votre liste, j’ai autre chose à faire à mon travail que perdre mon temps à lire vos “réflexions”.

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Principe de substitution

La jument poulinière a mis bas la nuit dernière : un poulain mâle à la tête fine, au corps maigrelet et aux jambes kilométriques. La pouliche déjà grande qui a vu le jour l’année dernière est évincée par le nouveau venu ; elle se console en adoptant sa tante qu’elle ne lâche plus d’un sabot.

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Virilité

Chaque jour je reçois de vingt à trente spams. Les neuf dixièmes s’inquiètent de ma vigueur virile : « Boost up your erection ». Bien que je ne me sente pas vraiment concernée, je me demande si la préposition up est indispensable. En l’occurrence il me semble qu'aucune publicité n'enjoindrait « boost down ».

Supermarché

Trois caissières seulement avec tout ce monde et évidemment que des gens avec des chariots pleins à ras bord. Quatre personnes dans cette file-là, cinq dans celle-ci, mais finalement ça ira peut-être plus vite. Ouais, je me demande si j’ai bien fait. Quelle empotée cette bonne femme ! Ca y est elle a oublié le sucre, là voilà qui retourne dans le magasin. Et pendant ce temps tout le monde poireaute. D’ailleurs elle achète de ces trucs, ça a l’air drôlement bon. Je ne sais pas comment je me débrouille, je ne les déniche jamais. Ou alors je les trouve trop chers. Incroyable comme les gens modestes dépensent un fric pas possible en bouffe. Allons bon, sa carte bancaire ne marche pas même en la frottant et en la refrottant sur sa manche. Du coup elle sort un chèque mais comme il y en a pour une coquette somme, il faut l’accord du gérant. « Monsieur Thierry est demandé à la caisse deux, Monsieur Thierry ! » Mais qu’est-ce qu’il fabrique Monsieur Thierry dans son aquarium ? Ah le voilà enfin. Après un conciliabule de trois ou quatre minutes, la dame plie enfin bagage. C’est à moi, il y a du monde derrière, je me dépêche comme une imbécile. J’essaie de trier mes emplettes par catégories pour les ranger plus facilement à la maison. J’ai calculé qu’entre le moment où l’on prenait un article dans un rayon et celui où l’on s’en servait il y avait neuf manutentions. Alors je m’économise, enfin j’essaie. Ca y est, il n’y a plus de bobine. Pourquoi est-ce que ça tombe toujours sur moi. « Monsieur Thierry, Monsieur Thierry à la deux ! » Le voilà qui rapplique, qui repart chercher un rouleau, la caissière s’empêtre dans ses engrenages, cinq bonnes minutes de fichues. Allez, cette fois-ci, c’est bon, je paie et bon vent : « Au revoir Madame merci ! » Je me demande bien de quoi.

Façons de parler

Royal a déclaré à propos de la façon de penser de Sarkozy : « Si moi je m’étais permise de dire des énormités pareilles… » En effet.
Aujourd’hui, vendredi 13, le Loto met en jeu une super-cagnotte. Un quidam qui tente régulièrement sa chance avoue être un joueur invénéré.
Le cuir est amusant, le solécisme consternant.

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Naissances

Pâques, c’est la vie. La résurrection du Christ correspond sous nos latitudes au retour du printemps et tous les mythes de la fécondité sont exaltés. Jusqu’au lièvre qui pond des œufs. Dans ce torrent de vitalité, nous n’entendrons pas cette année le cri des nouveaux-nés. Les accoucheurs étant en grève, ces petits doivent se retenir de naître jusqu’à demain soir 20 h 30. Après quoi les naissances reprendront.

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Rameaux

Dimanche « c’est Rameaux ». A Seissan, M. le curé nous a prévenus, et prière de faire circuler l’information,  : la bénédiction aura lieu avant la messe dans le square qui jouxte l’église. Ceux qui seront en retard, tant pis pour eux, leurs buis et lauriers ne seront pas réputés bénis, même s’ils ont été aspergés. Idem pour ceux qui ne resteront pas à la messe après. Il les a repéré les petits malins qui ne viennent que pour le porte-bonheur et puis qui s’esquivent en douce. Cette année, pour que ça marche, pour que l’étable soit protégée et que les vaches ne tombent pas malades, il faudra rester du début à la fin. Sinon tintin. A malin, malin et demi.

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Bourdaloue

Vous connaissez certainement ce pot de forme oblongue qui permet aux dames de pisser debout. Le bourdaloue aurait été inventé parce que les sermons du révérend père étaient si longs que les dévotes n’en pouvaient plus : il avait fallu trouver une solution à ce délicat problème. A mon avis, c’est une légende. Premièrement parce que même à une époque où l’on n’était pas prude (deuxième moitié du XVIIe siècle), je doute qu’on eût cédé aux nécessités de la nature en pleine messe. Imaginez les manipulations à la sortie. Deuxièmement, le prédicateur n’ayant matériellement pu prêcher que d’un nombre limité de chaires, ses groupies n’ont pas dû être légion. Or le vase a été en usage partout en France et pendant très longtemps. Donc, il s’agirait plutôt d’une blague : « ses sermons sont si longs qu’on a forcément envie de pisser à un moment ou à un autre. » Je sais de quoi je parle. Il m’est arrivé de quitter l’église au beau milieu d’une homélie de quarante minutes pour aller faire un tour du côté de l’arrière-salle du café du coin. Mais si j’avais eu un bourdaloue sous la main…







http://www.jesuites.com/histoire/bourdaloue/index.html
http://chefsimon.com/au26.htm

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Petites annonces

Voilà des années que tous les trimestres je rédige, entre autres, les petites annonces de la revue de la caisse de retraite des transports routiers. Ce n’est pas une tâche glorieuse mais j’y mets tout mes soins : ces gens louent leur maison, vendent leur vieille voiture et des encyclopédies dépassées (mais ça pourrait intéresser un amateur, qui sait ?), se débarrassent de collections bizarres, échangent des cartes postales. Mais aussi cherchent l’âme sœur. Certains demandent à passer plusieurs trimestres de suite puis on en n’entend plus parler. Peut-être ont-ils trouvé ? Parfois ils reviennent à la charge deux ou trois ans plus tard. Ca n’a pas dû coller. Comme ce monsieur qui cherche épisodiquement une très grosse dame. C’est rassurant de savoir que les minces ne sont pas les seules à avoir leurs chances.

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Navigation embarquée

Mais pourquoi tu ne m’as pas dit de tourner ? Tu pourrais regarder les panneaux, c’est malin, il faut refaire le tour du quartier ! Ah ça c’est la meilleure, quand je te dis qu’il faut aller à gauche tu vas à droite ! Pas du tout, c’est toi qui montres la direction du doigt, par ici, par ici. Comment veux-tu qu’on comprenne ? En attendant c’est quand même une drôle d’idée de passer par la Bastille pour aller du parc Monceau à la tour Eiffel…
Maintenant, avec le GPS cet aimable échange de gracieux propos c’est fini. Une dame à la voix monocorde vous guide imperturbablement : dans 150 mètres tournez à gauche, restez dans la voie principale, à l’embranchement prenez légèrement à droite, vous êtes arrivé à destination. Le rêve. Même la plus hostile des banlieues est vaincue, le plus perdu des trous de campagne découvert.
Dans la voiture il y a nettement moins d’ambiance, quelques grains de poivre ne seraient pas superflus.

http://www.viamichelin.fr

http://www.afigeo.asso.fr/page_153.html?AfigeoSession=26d5b614317ab95422b10cb076cd1f81

Grain de poivre

Mon cher oncle Philippe

Je me décide enfin à vous écrire après toutes ces années passées sans vous faire signe, moi le petit Grain de poivre que vous emmeniez à la chasse sans fusil à travers la campagne limousine avec le setter Barberousse. De votre côté, vous n’avez pas cherché non plus à savoir ce que je devenais. Vous étiez un jeune homme qui se lançait dans la vie et après vous avez évidemment eu d’autres centres d’intérêt. La brouille qui est née de la succession de vos parents et que les miens m’ont contrainte d’épouser est la cause de ce long silence. Vous n’imaginez pas la force de caractère qu’il m’aurait fallu pour m’opposer à leur autorité.
Maintenant, j’approche de la soixantaine, vous-même êtes assailli par les misères de l’âge. C’est bête tout ce temps perdu. Dites-moi si ma visite vous ferait plaisir.
Je vous embrasse,
Grain de poivre

Travail de tête

« On parle beaucoup en ce moment d'une théorie contre l'insomnie et même l'anémie du cerveau, laquelle consiste à coucher les pieds plus haut que la tête, ou tout au moins, le corps allongé horizontalement, sans oreiller. Le système peut avoir du bon, car il s'appuie sur une loi naturelle qui veut qu'à l'état de repos, l'homme s'allonge simplement par terre. Les lits sont raffinement de civilisés ; et l'on sait combien sont souvent fâcheux les effets de la civilisation. Mais on ne saurait trop recommander aux personnes qui voudraient essayer de la méthode préconisée plus haut d'y arriver très graduellement. Un brusque changement dans les habitudes ne serait pas sans danger. Le moindre est une petite congestion, des étourdissements, des troubles du coeur. Ce sont surtout les gens travaillant beaucoup de tête qui doivent être prudents à cet égard. »

Je ne puis résister au plaisir de diffuser ce texte pêché dans "Le Petit Journal" de 1907. D'autres perles en cliquant sur http://cent.ans.free.fr/malheureux.htm  

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Vue à la télé

Rien de tel que de "passer à la télé" pour susciter l’intérêt. Il y a trois semaines j’ai été filmée à mon insu pour « C dans l’air » sur la 5. Je ne connaissais même pas l’existence de cette émission. Le lendemain, ça m’a valu quelques coups de fil d’amis: « Je t’ai vue à la télé ». Le plus surprenant est quand même que mon neveu Nicolas qui est au fin fond de la Norvège m’ait reconnue, tout comme le jeune menuisier gascon Cyrille. Mais j’ai vraiment eu l’impression d’être une vedette quand j’ai été abordée dans la rue  par deux types, pas mal du tout ma foi. Oui, c’était bien moi, ils en étaient tout contents ! Et moi ça m’a bien amusée.

Grain de poivre

Confidence

« Franchement, Madame Graindepoivre, je vous conseille ce modèle-là. Il coûte trois fois moins que l’autre et en plus il est garanti cinq ans. Ca vous fait quinze ans. Vous savez, c’est plus comme avant quand la qualité allait avec le prix. Mais vous avez raison, les robinets thermostatiques c’est mieux, on n’a plus besoin de tripoter les boutons pour avoir la bonne température. Pour vos pare-douche, ça va être plus compliqué. On n’a pas le modèle en verre clair sur le catalogue, ce qui fait que je ne sais pas qui est le fabricant. Le mieux c’est quand même d’avoir les deux, une baignoire et une cabine. Moi vous voyez, Madame Graindepoivre, je suis frileux alors ce que j’aime avec les cabines, c’est qu’on a chaud avec toute la vapeur qui reste enfermée. »

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Espoir

L'espoir est le grand sport local. Voilà dix jours que j’espérais l’électricien. Il est passé ce matin. Il a même apporté son devis et doit revenir jeudi. J’espère ne pas l’espérer.

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Tapeur

Je crois bien que je me suis fait avoir. J’ai été abordée dans la rue par un type, la quarantaine, propre sur lui, physionomie ouverte, à qui il manquait deux euros pour en faire cinq, le prix d’une carte de téléphone dont il avait un besoin urgent. Pas de chance, il avait oublié sa carte bleue à la maison. Je sors les deux euros de mon porte-monnaie, ce que je ne fais jamais, et j’ajoute « Vous avez de la chance que je sois de bonne humeur. » Le type remercie chaleureusement et chacun part de son côté. Plus tard je me suis dit que son numéro était bien au point. Sa mine avenante avait désarmé les préventions habituelles et même institutionnelles que je nourris à l’égard des tapeurs de tout poil. Décidément on ne donne qu’aux riches.

http://www.bmlisieux.com/normandie/barbet01.htm

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Radin ?

A priori le radinisme est moins grave que l’avarice, on le considère plutôt comme un penchant pas très glorieux mais pardonnable. Il paraît même que dans certains milieux branchés il est à la mode. A mes yeux, les deux sont vilains mais différemment : l’avare est ladre avec lui-même comme avec les autres tandis que le radin est près de ses sous vis-à-vis des autres mais dépense volontiers pour lui-même. Il peut donc épater la galerie par le luxe de sa demeure, la coupe de ses habits ou la puissance de sa bagnole. C’est pourquoi il est difficile à démasquer. A la longue on finit quand même par se rendre compte qu’il ne rend pas les invitations, n’offre jamais un bouquet de fleurs, laisse les autres régler l’addition, etc. Mais ça peut prendre du temps.

http://lesradins.com

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Brève au comptoir

J’ai rendez-vous au fin fond du XVe à 13 h 30. Je suis en avance de dix minutes. J’entre au bistrot du coin, un rade en formica poisseux des années 60 qui fait loto et PMU. Les tenanciers asiatiques jurent dans le décor. Cinq ou six traîne-patins de quartier sirotent leur café ou leur ballon en grattant des Millionnaires. Heureusement le café et l’eau sont buvables. Visite au fond de l’établissement. Au retour quelque chose a changé. La télé est maintenant allumée et diffuse un concours hippique international :  les chevaux, les cavaliers, le parcours, les couleurs, tout est superbe. Subitement le temps galope et je m’arrache à regret.

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Je pense bien à toi

« Je pense bien à toi. » : voilà une déclaration qui fait plaisir, surtout quand ça ne va pas. C’est une consolation de savoir qu’on n’est pas seul au monde, qu’il y a des gens pour se tenir à vos côtés, à qui on pourra même demander de l’aide. D’autant qu’ils ont ajouté : « Et surtout n’hésite pas ! » Certains s’arrêtent à ces formules qui les dédouanent définitivement d’en faire davantage. Vous voyez certainement qui je veux dire. Non ? Allez en attendant je pense bien à vous...

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Deuil

De nos jours aidé de Papa Freud, on aime bien classer les situations, surtout les désagréables : une fois décortiquées elles sont moins tragiques et on peut espérer en venir à bout. C’est souvent vrai. Pas toujours. Mais surtout l’entourage, à divers degrés, est soulagé. L’affaire est classée et tout le monde peut passer à autre chose. C’est notamment le cas du deuil. Il faut absolument faire son « travail de deuil », expression désormais obligatoire qui sous-entend une attitude volontariste. Et ceux qui n’y arrivent pas tant pis pour eux. Je pense plutôt que le deuil n’est pas un travail, c’est un chemin où l’on s’engage, qui vous fait découvrir des paysages insoupçonnés, vivre des rencontres inattendues. Jusqu’à ce qu’un jour on soit à nouveau bien vivant.

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Circulation

Non mais quel abruti ! Espèce de …, tu ne vois pas que je tourne à gauche ? Ah le pirate, il me serre, mais je vais y laisser ma carrosserie ma parole. Et celui-là qui n’avance pas devant moi. Quel péquenot, un 77, ça ne m’étonne pas. Je parie que c’est un vieux chnoque. Ah non tiens, un petit jeune. Pas dégourdi le mec. Et ce 4 x 4 qui me double sur la droite, incroyable. De vrais impérialistes ces gens-là. On devrait les interdire en ville. Eh bien je ne suis pas arrivée, et la pluie qui se met à tomber. C’est mal éclairé ces rues, on n’y voit rien. Oh là là, j’ai bien failli l’écraser celle-là. Rien de tel que les vieilles dames pour traverser n’importe comment, n’importe où. Et voilà encore un feu rouge, décidément, j’ai pas de pot, ils pourraient quand même les synchroniser. Bon ça a l’air de rouler. J’y suis enfin. Maintenant il va falloir trouver une place. Quelle vie !

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Gym

 

Et une et deux ; et trois et quatre. Allez, du nerf, hop, hop, hop, sur la pointe des pieds, s’il vous plaît, les bras en l’air. Ouh là là, c’est mou, c’est mou ! On reprend, et cinq et six, et six et sept. Jambes tendues, bassin vers le haut, dos au sol. Allez, on souououffle, on viiide ses poumons. Et maintenant, on travaille les abducteurs. Ventre rentré, bras à l’horizontale, rotation du tronc, attention, on garde la tête dans l’axe, les épaules dégagées. Je compte jusqu’à cinquante. … quarante huit, quarante neuf, cinquante, rrrespirez !

Eh oui c’est dur mais il faut savoir ce qu’on veut. A vingt piges, un ventre plat, une poitrine ronde, des fesses pommées, des mollets galbés, une taille de guêpe des cuisses de nymphe, des bras de madone, des épaules de star, un cou de cygne. Passé cinquante balais, l’ambition se limite à la décélération de la dégringolade. Mais quel que soit l’âge, quel turbin !

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Ma chère tante Mimi,

Pardonnez moi de ne pas vous avoir écrit plus tôt pour vous souhaiter une bonne et heureuse nouvelle année. J’espère que vous continuerez à bien vous porter et que nous pourrons participer à la fête que vos enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants projettent d’organiser pour votre centième anniversaire en juillet prochain.
Pour nous, côté santé ou plutôt maladie, l’année a commencé sur les chapeaux de roue : j’ai la rate qui s’dilate et le foie qu’est pas droit. Je plaisante mais les perspectives ne sont pas gaies, Jacques doit passer sur le billard, on lui enlève la moitié de l’estomac, Jean-Claude a eu un AVC et le pauvre ne peut plus parler, quant à moi j’ai trop de cholestérol et le toubib m’a mise au régime. Au milieu de tout ça la dernière tempête a soufflé le toit de notre maison de Quiberon et le couvreur ne sait pas quand il va pouvoir réparer parce que, comme nous n’y sommes pas en ce moment, nous ne sommes pas prioritaires. Heureusement, les enfants vont bien et n’ont pas de problèmes de situation. Nicolas a eu chaud avec toutes ces restructurations dans l’automobile mais il est passé entre les gouttes, du moins pour cette fois-ci.
J’ai eu des nouvelles de l’oncle Henri et de la tante Yolande, ils vont cahin-caha mais ils ont de la chance d’être toujours vivants : vous vous rendez compte, soixante dix ans de mariage !
Finalement, je trouve que c’est bien d’être vieux, ça veut dire qu’on a réussi à franchir pas mal d’obstacles. Parce que quand même dans la vie il y a de bons moments !

Je vous embrasse bien fort,

Votre fidèle Grain de poivre

Avec plaisir

Je me suis retrouvée au printemps dernier dans une unité de soins intensifs à l’hôpital de Rangueil à Toulouse. Interdiction absolue de mettre le pied par terre pendant une semaine. Je suis presque aussi dépendante qu’un bébé. J’hésite à sonner dans la crainte d’abuser. Mais lorsque les impératifs de la nature se manifestent il faut bien m’y résoudre. Ce n’est drôle pour personne. Le plus beau est la réponse à mes remerciements lancée avec la joyeuse sonorité du cru : « Avec plaisir ! ». Cette expression usitée dans le Sud-Ouest correspond à « Je vous en prie ». En la circonstance, son incongruité traduit une gentillesse et une délicatesse dont je demeure saisie.

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Bonne poire

Celle-là, je l’ai dans le collimateur. Quand je pense que je me suis défoncée pour elle, et maintenant voilà le résultat, elle me laisse tomber comme une vieille chaussette. De toute façon elle ne m’appelle que si elle a besoin de moi. Allez vous donner du mal pour les autres, tiens, ils finiront toujours ou par en profiter ou par vous en vouloir. C’est ma faute aussi. Je suis trop bonne, et trop bête. Je réagis au quart de tour. A croire que j’y mets mon point d’honneur. Mais ça va changer. Je vais apprendre à dire non. A mon âge il serait temps.

— Allo, Grain de poivre, je voulais te demander un truc, tu ne pourrais pas…

— Mais bien sûr, je suis libre quand tu voudras, demain si tu veux ?

 Le texte peut bien entendu être mis au masculin.

T'as de beaux yeux

J’ai croisé dans le métro une jeune fille aux yeux bleu lagon, d’une transparence de cristal. Une merveille de la nature. Impossible d’en détacher mon propre regard. Evidemment, elle s’en est rendu compte et nous nous sommes souri. Quand j’ai quitté le wagon je n’ai pu m’empêcher de la complimenter : « Vous avez des yeux… » Elle m’a remercié gracieusement.

Par la suite en y repensant je m’en suis voulu. Je l’avais sans doute importunée. Elle devait être fatiguée qu’on lui parle tout le temps de ses yeux. Un truc à porter des lunettes noires même la nuit. Une splendeur est peut-être aussi difficile à vivre qu’une disgrâce.

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Engueulade

Non mais sans blague, ça va durer longtemps comme ça ? C’est toujours la même chose avec toi. On ne peut pas te faire confiance. Ca fait cent fois que je te le dis. Eh bien non ! Et moi, là, dans l’histoire, hein, qu’est-ce que je deviens, tu peux me le dire ? Tu t’en fiches, tu n’en as strictement rien à foutre. J’en ai soupé, ras le bol, par-dessus la tête de ton égoïsme. D’ailleurs je me demande pourquoi je continue à discuter avec toi, c’est peine perdue, tu ne veux jamais rien entendre. D’ailleurs c’est jamais le moment. Quand je pense à tout ce que j’ai fait pour toi. Franchement, il faut être la reine (le roi) des c…

Etc., etc., etc.

Grain de poivre

Osez dire que vous n’avez jamais proféré une seule de ces invectives.