Ca y est, j’ai identifié mon maraudeur. Vers midi j’entends
le quad prendre la direction du bois de la Comme. J’attends un quart d’heure et
je m’y rends en voiture. Comme ça tout le monde saura où je suis, à la campagne
les arbres ont des yeux. Je me gare à l’entrée du chemin aux grandes herbes.
Lesquelles sont couchées de frais. Je suis les traces, l’engin est arrêté juste
à la corne du bois devant la trouée qui y donne accès. J’avance, je trouve tout
de suite quelques girolles et j’appelle.
— Ouh, ouh, c’est vous Louis ?
Louis répond en écho et s’approche.
— Ah, c’est vous
Grain de poivre, je cherche quelques champignons. Tenez, échangeons nos poches.
Sa poche pèse bien quatre cents grammes.
— C’est gentil ça, merci bien. C’est qu’il y en a pas mal
ces temps-ci. Et ils sont jolis !
— Oui, j’en ai trouvé il y a quelques jours dans un autre bois. Là je
me disais, en allant voir le blé... C’est que moi, les champignons c’est ma
passion !
S’ensuit un échange de considérations sur l’art et la
manière de les débusquer au cours duquel nos pas s’éloignent jusqu’à ce que
nous nous perdions de vue. Un quart d’heure plus tard j’entends le quad
démarrer et à travers les arbres j’aperçois Louis qui fait le tour de sa pièce
de blé.
Il a sauvé la face. Le plus étrange est que j’éprouve un
vague sentiment de culpabilité à l’avoir surpris la main dans le sac. Pour un
peu j’aurais pitié de lui. A l’avenir il évitera sans doute de visiter nos bois
lorsque nous séjournons dans le pays. Parce que quand nous sommes à Paris, ça
serait dommage de laisser perdre cèpes et chanterelles.
Grain de poivre
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