Pause méridienne : la dernière trouvaille lexicale de M. Peillon. On ne peut nier que cela a une consonance littéraire, voire poétique, du meilleur effet. On imagine déjà les chers trésors passant leur repas et leur “temps calme” (ex-sieste) élégamment installés sur des banquettes à dossier en col de cygne façon Mme Récamier. Un grand pas vers la civilisation. Et en tout cas autrement plus distingué que les “midi” et autres “ce midi” qui semblaient avoir définitivement et prolétairement chassé la ci-devant heure du déjeuner.
Je suis une inconditionnelle des émissions de cuisine et de pâtisserie. Je rêve de poches à douille et de tamis à farine. Le vocabulaire à lui seul est un régal : croustillant, meringue italienne, praliné, caramel, mousse, dacquoise, arôme, glace royale, etc. Mais si ces termes sont traditionnels, la profession ne reste pas en dehors du temps. C’est ainsi que le dressage a succédé à la décoration ou à la présentation et la texture à la consistance.
Hier à la radio j’ai été surprise d’entendre un député parler d’entérinage de guerre. J’ai supposé qu’il faisait allusion à la vieille pratique indienne qui consiste à enterrer la hache de guerre. Un peu plus tard une journaliste confondait dégainer et rengainer. Vous l’aurez deviné, il s’agissait de la dispute Copé-Fillon qui a de quoi troubler les esprits les plus distingués – et les mieux aguerris.
Note époque est plus latiniste qu’on ne croit. Le maximum effraie les optimistes au minimum tandis que la solution optimale rebute les pessimistes. Finalement, le service minimal serait l’optimum. Mais qu’en est-il du pessimum ?
« Aujord’hui, le prix de l’arqueu de Triomphe a été couru à Cagnes pass’qu’il pleuvait trop à Paris. »
Vous êtes-vous déjà demandé la différence qu’il y avait entre stupéfait et stupéfié ? Eh bien, c’est très simple. Le premier est un adjectif qualificatif, le second un participe passé. Quand au sens il est quasiment le même : frappé de stupeur. Mais stupéfait ou stupéfié, on n’en devient pas nécessairement stupide.
Pour les fêtes je suis un peu désemparée. A Noël je devais aller chez des amis sur Bordeaux mais ils sont on va dire en train de rompre. Ce qui fait que la situation est entre guillemets assez délicate. Je me suis donc permise de m’inviter chez mes enfants qui eux sont sur Metz. Quant au réveillon du 31, ça le fait pas, du moins pour l’instant. Parce que ce midi mes copains se sont décommandés et en termes de solution de rechange je suis à sec. Alors je pense que je vais rester sous la couette, genre moi la télé et moi. On peut le dire comme ça.
A vous, fidèle lecteur, de détecter les barbarismes, les solécismes, les impropriétés, les tics de langage du moment. Notez que « complètement » a complètement disparu. Tout espoir n’est pas perdu.
Grain de poivre
Grain de poivre
Après sur (sur Paris, sur la paroisse, sur le collège Georges Brassens, sur la France, sur les régions, etc.), en termes de (en termes de bagnole, en termes de développement durable, en termes de sécurité, en terme de vacances, etc.), on a par rapport. Ainsi ai-je appris ce matin que Zinédine Zidane voulait faire quelque chose par rapport aux jeunes et par rapport au foot. En entendant des interviews de compatriotes ultramarins, je me suis rendu compte que sur nos îles lointaines ces tics en terme de langage étaient très répandus par rapport à la population. Une pollution durable plus contagieuse que la grippa ou le chikungunya.
Grain de poivre
L’adjectif
« héroïque » qualifie généralement un acte particulièrement courageux
et digne de l’admiration des foules. Il peut aussi être appliqué à un destin qui
avec le temps prend un caractère mémorable. C’est évidemment dans ce sens qu’il
faut entendre ce terme dans le titre du film consacré à Gainsbourg. Car enfin dire
de la vie de Gainsbourg qui s’est vautré dans le luxe, le stupre et le lucre (mais
à qui je ne dénie pas le génie musical) qu’elle est héroïque, peut laisser
songeur.
Grain de poivre
Bien
sûr il faut comprendre que ce sont des armes qui se répandent dans la
population. Le gouvernement du peuple par le peuple n’ayant pas grand-chose à
voir là-dedans. Le paradoxe est que ceux qui sonnent l’alarme en ces termes
soient très certainement de fervents partisans de la démocratie.
Grain de poivre
S’il
est un domaine semé de pièges, c’est bien celui des règles typographiques.
Mettre ou ne pas mettre de capitale ? Doit-on écrire Ecole polytechnique
ou école Polytechnique, ministre de la défense ou Ministre de la Défense ou
encore ministre de la Défense ? Faut-il une espace (oui, dans cette
acception espace est du féminin) avant ou après une parenthèse ou encore avant
le signe % ? Cochez la case. La typographie, c’est encore plus difficile
que la grammaire.
Grain de poivre
Cette manie contemporaine de parsemer les propos de « un peu » est-elle une litote ? Une litote, vous l’avez peut-être oublié depuis vos chères études, consiste à dire moins pour suggérer davantage. Rien n’est plus tel quel, tout est un peu. J’ai un peu peur que, C’est un peu gonflé ! J’étais un peu furax, etc. Le plus joli est cette affirmation de Michèle Alliot-Marie récemment : « Le juge d’instruction est un peu inutile ». Là on se demande si on est dans le registre de la figure de style et on est un peu atterré
Grain de poivre.
Grain de poivre
Les commentaires postés sur la
note d’hier « Kanak », m’a incitée à aller un peu plus loin dans ma
recherche. Il m’a été assez difficile d’en trouver la liste exhaustive. Finalement
c’est sur les site de la Délagation générale à la langue française et aux
langues de France, organisme qui dépend du ministère de la culture, que j’ai
trouvé la réponse que je copie-colle. Vous remarquerez au passage qu’avec
quatre langues canaques, pardon kanak, annoncées j’étais loin du compte.
France métropolitaine
Langues régionales : alsacien, basque, breton, catalan, corse, flamand occidental, francique mosellan, francoprovençal, langues d’oïl (franc-comtois, wallon, champenois, picard, normand, gallo, poitevin, saintongeais, lorrain, bourguignon-morvandiau), parlers d’oc ou occitan (gascon, languedocien, provençal, auvergnat, limousin, vivaro-alpin).
Langues non-territoriales : arabe dialectal, arménien occidental, berbère, judéo-espagnol, romani, yiddish.
outre-mer
Zone
caraïbe :Créoles à base lexicale française : guadeloupéen, guyanais,
martiniquais, réunionnais ;
Créoles bushinenge de Guyane (à base lexicale anglo-portugaise) :
saramaca, aluku, njuka, paramaca ;
Langues amérindiennes de Guyane : galibi (ou kalina), wayana, palikur,
arawak (ou Iokono), wayampi, émerillon ;
Hmong.
Nouvelle Calédonie : vingt-huit langues canaques.
Grande terre : nyelâyu, kumak, caac, yuaga, jawe, nemi, fwâi, pije, pwaamei,
pwapwâ, langue de Voh-Koné, cèmuhi, paicî, ajië, arhâ, arhö, ôrôwe, neku,
sîchë, tîrî, xârâcùù, xaragurè, drubéa, numèè ;
Iles Loyauté : nengone, drehu, iaai, fagauvea.
Polynésie française : tahitien, marquisien, langue des Tuamotu, langue
mangarévienne, langues des Iles Australes : langue de Ra’ivavae, langue de
Rapa, langue de Ruturu.
Iles Wallis et Futuna : wallisien, futunien.
Mayotte : mahorais, malgache de Mayotte.
Grain de poivre
Comme souvent à cette époque – effet secondaire de la rentrée des classes – nos têtes pensantes remettent sur le tapis le débat sur l’orthographe. Rien ne va plus, les étudiants en lettres eux-mêmes font des fautes, et non seulement des fautes d’orthographe mais aussi des fautes de français. C’est embêtant, car ce sont eux qui en principe enseigneront notre langue aux enfants. Pourtant quand on se rappelle qu’au début du XXème siècle nombre de nos compatriotes, malgré Jules Ferry, ne parlaient que patois et ne savaient ni lire ni écrire (sans pratique, ils perdaient le peu qu’ils avaient appris), on se dit qu’on vient de loin. Alors quand j’entends et lis certaines de mes connaissances qui ont pourtant reçu une instruction classique truffer leurs propos de barbarismes je me dis que nos jeunes maîtres et professeurs ont des excuses. L’exemple qui actuellement me fait bondir, mais je me garde de reprendre quiconque pour ne blesser personne, est l’emploi de sur au lieu de à ou de dans : Vous habitez sur Paris ? Sur ce collège il n’y a pas de problème de drogue. Etc. Je me demande comment se répand ce genre d'horreur. Qui l’a lancée en premier ? Comment a-t-elle été reprise ? Pourquoi un tel succès ?
Grain de poivre
Les icônes ont le vent en poupe. Que ce soit en décoration où il est à la mode d’accrocher une icône orthodoxe au mur de son salon, ou en informatique où ces symboles guident nos clics, ou encore dans les médias où le terme a définitivement remplacé celui d’image. Par exemple, la star morte récemment, vous voyez qui je veux dire, est qualifiée d’icône du génie musical. L’icône en effet ne peut être appliquée à un objet déprécié. On n’a jamais entendu « Ce type est décidément l’icône de la bêtise », mais « L’image de la bêtise », oui.
Grain de poivre
Rappelez-vous : déjà quand vous étiez petit en CM1 et CM2 les verbes du troisième groupe vous donnaient du fil à retordre. Pas deux qui se conjuguent de la même manière. Le délice du maître, ogre prêt à dévorer le gamin pris en défaut. Eh bien, de plus en plus souvent nos auteurs s’affranchissent des ridicules exigences de l’orthographe. Ainsi ai-je relevé dans le dernier livre de Franz Olivier Giesbert, qui un jour n’en doutons pas atterrira à l’Académie française, page 57 : « Horace vénérait cette mère battue, victime d’un mari alcoolique, et souffra du sevrage forcé qu’entraîna son amour pour Elisabeth. »
Grain de poivre
C’est sans doute parce qu’ils craignent d’être pris pour des analphabètes et des débiles que les journalistes sportifs s’expriment si correctement. La litanie des résultats des matchs de foot et de rugby dominicaux est assommante pour qui ne s’y intéresse pas mais force l’admiration en ce qui concerne la précision et la variété du vocabulaire. Même chose des commentaires sur le vif. Parler aussi vite en restituant l’ambiance sans un lapsus ni un barbarisme tient de la performance linguistique. Les journalistes généralistes feraient bien d’en prendre de la graine.
Grain de poivre
Gràce aux stores Velux, m’affirme une publicité, on peut créer une atmosphère « terriblement apaisante ». A quoi dois-je avoir recours pour obtenir une ambiance « paisiblement terrifiante » ?
Grain de poivre
Je lis sur l’affiche d’un abribus que le Coca-Cola
zéro, c’est le goût du Coca avec zéro sucres. C’est l's qui me chatouille. Si
c’est zéro, c’est encore moins qu’un. La marque du pluriel est impropre. Mais
si l’on considère que « avec zéro » égale sans, ça se complique. On
écrit bien une robe sans manches parce que normalement une robe a deux
manches, et pourtant c’est une robe avec zéro manche. Mais il y a zéro faute
dans la dictée sans fautes de la plupart des élèves et sans faute du premier de la classe. Tout cela est bien singulier.
Grain de poivre
A la Réunion tous les habitants parlent créole entre eux, ils sont incompréhensibles aux "zoreilles". Mais quand ils parlent français c'est sans aucun accent.
Grain de poivre
J’apprends dans le Figaro que Madame Brown et Madame Bruni-Sarkozy se sont téléphonées… Une expérience de translocation peut-être ? Tant qu’elles ne se sont ni battu ni battues...
Grain de poivre
« En termes de » est la nouvelle scie de
vocabulaire. C’est ainsi qu’on apprend que Laure Manaudou est, en termes de
natation, toujours la meilleure.
Grain de poivre
Entendu de la bouche d’un commentateur sportif : « Les Nantéens vont rencontrer les Bastiais. » A Nantes, désormais, il y a les Nantais qui sont les habitants ordinaires et les Nantéens qui sont les footeux.
Grain de poivre
Je relève dans le manuel d’histoire et géographie de la
classe de 6e, collection Martin Ivernel, éditions Hatier, page
66 :
« Athéna la saisit, l’enleva et la rendit à Achille
sans qu’Hector s’en aperçut. »
et page 68 en bas de page, parmi les questions posées aux élèves :
« Que font Ulysse et ses compagnons après que Polyphème
se soit endormi ? »
Un coup d’œil à la première page du bouquin m’informe que
sept professeurs agrégés d’histoire et géographie, un maître de conférence à
l’université de Nantes, un inspecteur de l’Education nationale et deux
professeurs certifiés y ont collaboré.
J’ai par ailleurs noté dans le cahier d’un écolier de CE2
une « correction » malvenue apportée par l’institutrice :
« Les hommes du néolithique portaient des vêtements en
tissus. »
Comment se plaindre que les enfants ne sachent ni
l’orthographe ni la syntaxe quand leurs maîtres l’ignorent eux-mêmes ?
Grain de poivre
Je lis dans le Figaro que François Fillon, après les
violences du week-end, se rendra sur l’île (il est bien sûr question de la
Corse). Mais dit-on sur l’île ou dans l’île ? Le Grévisse, que j’ai
consulté, affirme que les deux sont corrects.
Grain de poivre
J’envoie des cartes de vœux, c’est de saison. En copiant
l’adresse d’amis munichois, j’ai dû contraindre ma main pour remplacer par deux
s l'ess-tsett de Straße que je traçais spontanément. J’ai éprouvé un sentiment
d’appauvrissement. Cette lettre j’aime l’écrire et la réforme de l’orthographe
allemande qui en restreint l’usage enlève à la langue un charme indéfinissable, comme un grain de poivre.
Grain de poivre
Arithmétiquement le pluriel commence-t-il à deux ou juste
après un ? Est-il correct de dire « Le dollar a franchi la barre des
un euros cinquante » ? Grammaticalement faut-il écrire « Un
millier de personnes a manifesté contre la grève des cheminots » ou « Un
millier d’étudiants sont en lutte contre la collusion de l’Université et du
Grand capital » ?
En tout cas je suis sûre que « Il a eu beaucoup de
cadeaux pour ses un an » est un barbarisme.
Grain de poivre
Journaliste, conseil en communication institutionnelle. Cavalière. IEP Paris.
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