"Moi, on avait fait un mariage campagnard. J'étais amenée à l'église sur une remorque tirée par un tracteur décoré. Julien portait un pantalon noir, un gilet et un canotier. Yannis avait trois ans et une chemise brodée avec des fleurs. Les autres enfants aussi..."
Evocation captée au vol
Grain de poivre
A la Réunion quand on passe une petite annonce dans la rubrique "Rencontres" on annonce la couleur. Bien sûr il y plusieurs catégories : Soft Femmes, Soft Hommes, Sexy Hommes (on remarquera que je n'ai pas trouvé de "Sexy Femmes" et encore moins de "Hard Hommes...), Sexy Couples, Gays, etc. C'est ainsi qu'on apprend qu'une Mauricienne cherche un Malabar, qu'une créole métro voudrait bien "découvrir les joies du plaisir charnel" et enfin qu'un homme ne veut pas prendre son pied en le mettant n'importe où : "H. doux, attentionné, sensible, aimant soumission, cinq., humour, esprit jeune, cool, Nord, ch. jeune amant, actif, style Raphaël (chanteur) à partir de 18 ans. Bon milieu."
Grain de poivre
Le vol Toulouse-Roissy n'a duré qu'une heure. Défense de fumer, défense de téléphoner. L'avion a à peine atterri que neuf voyageurs sur dix ont déjà leur portable vissé à l'oreille. Quelle angoisse les pousse ainsi à prévenir leur entourage qu'ils sont toujours vivants et à s'assurer que l'entourage en question est toujours au complet ?
Grain de poivre
Ce matin j’ai vendu quelques bricoles au vide-grenier du village. Mon étal n’était pas bien grand, sans doute même le plus petit du marché, tout juste un mètre linéaire. A peine avais-je débarqué mes deux malheureux cartons que des sortes de vautours se précipitaient pour en connaître le contenu. Il leur a fallu attendre un peu, le temps que j’aille prendre des forces au café de la place. Et là en un quart d’heure l’essentiel de mon stock a été enlevé, mais pas du tout les choses que j’aurais achetées si j’avais été en position de le faire. J’ai plus tard vendu un présentoir à gâteaux de style nouille à une Anglaise. Elle était sympathique, pour la peine j’ai inventé un roman autour de l’objet. Elle a emporté, en prime, un peu de rêve. Je suis sure d’avoir commis une bonne action.
Grain de poivre
Avec le régime de la Sécurité sociale, on ne perd pas sa réversion si on se remarie, sauf si le plafond de ressources est dépassé. A l’Agirc et à l’Arrco, le remariage suffit à mettre définitivement fin à cette pension. Conclusion, avant de reconvoler mieux vaut faire ses calculs.
Grain de poivre
Victor tient le camion-bazar du marché de Seissan
(Gers) : c’est un véhicule à géométrie variable tout à fait stupéfiant. On
y trouve de tout et en particulier ce qu’on ne trouve pas ailleurs. Notamment
des patins à parquet. Vous pensiez que ça n’existait plus. Eh bien
détrompez-vous. Et savez-vous combien de paires Victor en écoule tous les
ans ? Dites un chiffre pour voir. Allez, mettons cinquante. Vous n’y êtes guère : cinq
cents ! Les vernisseurs de parquet ont encore de beaux jours devant eux.
Victor vend également des martinets mais il ignore à quel usage ses clients les
destinent : « Pour le chien, les gosses, la femme ou le mari, je ne
veux pas le savoir. »
Comme tous les ans à l’approche des beaux jours se pose la question de ma garde-robe d’été. Et comme tous les ans je fais les boutiques et je suis baba : dire qu’il y a des gens dont le boulot est d'imaginer à chaque nouvelle saison toutes ces jolies choses…
Grain de poivre
J’ai appris hier par hasard que ma grand-mère n’était pas
morte, comme je l’avais toujours cru, des suites d’un cancer de l’intestin mais
d’un cancer de l’utérus. J’avais onze ans, un âge auquel à l’époque les grandes
personnes n’avaient pas d’attribut sexuel, seulement un genre, masculin ou
féminin. Certains mots étaient bannis. Ainsi il était du dernier mal élevé
d’avoir des fesses, on avait des cuisses qui remontaient jusqu’à la taille. Les
dames n’avaient pas de seins mais une poitrine. Lorsqu’il était question à
table, pendant les vacances d’été à la campagne, d’une vache qui avait avorté
ou des brebis qui souffraient d’une infection de la matrice, les mères, tantes
et aïeules faisaient les gros yeux à celui (un homme naturellement) qui avaient
osé proféré des propos aussi déplacés, « Chut, les enfants ! ».
Le plus bizarre est que dans la petite enfance, toute la marmaille partageait
le même tub ou la même baignoire, selon.
Nous étions donc parfaitement au courant de la différence anatomique entre les
filles et les garçons. Mais celle-ci, justement, n’était qu’anatomique, pas
sexuelle. Nous savions qu’il fallait être marié pour avoir des enfants. Le mari quoique nécessaire n’avait cependant aucun rôle physique dans la procréation. Les
bébés poussaient dans le ventre de leur mère puis naissaient, point. Pas
question de femmes qui accouchent.
On peut
sourire de cette attitude et j'en souris aussi. Mais
est-elle plus ridicule que celle qui consiste à expliquer le kamasutra aux
petits de la maternelle ?
Grain de poivre
Voilà une touche magique ! Quand on veut répéter une
action, que ce soit avec Word ou Excel, on appuie sur F4. Par exemple, mettre
en italique certains mots dans un texte : sélection, italique puis
sélection F4, sélection F4 et ainsi de suite. Insérer des lignes dans un
tableau : insérer ligne, puis F4 autant de fois qu’on veut de lignes.
Essayez, vous me direz merci.
Grain de poivre
Depuis cinq ans que je ne fume plus, mon odorat ne cesse de
s’affiner. Résultat, je suis incommodée par tout un tas de mauvaises odeurs
aussi bien à la ville qu’à la campagne. Sans compter celles de mes congénères…
Car il y a beaucoup plus de méchants relents que de suaves effluves. Donc l’argument
de la restauration des facultés olfactives est plutôt dissuasif de l’arrêt du
tabac.
Grain de poivre
L’énumération de toutes les catastrophes qui guettent dès le matin le plus
paisible des petits-bourgeois que j’ai eu l’occasion d’entendre du personnel
du samu d’Auch a de quoi donner froid dans le dos. Par exemple,
vous tombez dans l’escalier et, pan, vous vous éclatez un rein. Votre voiture
fait la bise au trottoir et, boum, vous avez le bassin broyé. Vous allumez le
gaz et, vlouf, vous êtes défiguré. A 8 h vous étiez bien vivant et tout guilleret, à 20 h vous êtes mort sans avoir rien vu venir. Tant de dangers nous guettent sournoisement
qu’on se demande comment on se lève encore tous les jours. Heureusement qu’on
ne le sait pas.
Grain de poivre
– Ah, ça c’est un peu fort ! Nous avons rendez-vous à
16 h. Il est 15 h 55 et ils ne sont toujours pas arrivés !
Grain de poivre
Le 6 mars est le jour de mon anniversaire. Et vous savez qui
a été la première personne à me souhaiter un bon anniversaire ce matin ?
Roger Karoutchi, secrétaire d’Etat chargé des relations avec le Parlement, par
courriel au nom de l’UMP. On a beau savoir que c’est le résultat d’une
astucieuse programmation informatique, ça fait plaisir. C’est pour des trucs
comme ça qu’on renouvelle son adhésion avec enthousiasme.
Grain de poivre
Je suis mariée depuis 38 ans avec mon premier et même mari. Je recommencerais avec lui si c’était à refaire. Mais quand je vois ceux et celles qui en sont à leur deuxième, voire troisième mariage je suis épatée qu’ils aient eu le courage de recommencer avec un autre.
Grain de poivre
Je peaufine ma comptabilité en vue de la sortie du bilan de
ma toute petite petite entreprise (TPPE). Ca me prend des heures D’où vient
cette crainte d’être punie par le fisc ou les organismes sociaux qu’aucun
enfant n’éprouve plus devant aucun maître ?
Grain de poivre
Parfois on préférerait qu’il fasse bien mauvais le dimanche.
Ca fournirait une bonne excuse pour ne pas mettre le nez dehors et rester résolument
confiné à la maison à faire l’escargot. Mais voilà quand la journée est aussi
belle qu’aujourd’hui, c’est un crime de ne pas prendre l’air. Le problème est
qu’à Paris ça relève de l’héroïsme. Tout le monde est dehors, traduisez en
voiture à bouchonner en direction des endroits sympas. Résultat, visite
approfondie du périphérique, des abords du bois de Boulogne rapidement
abandonné pour le château de Versailles lui-même inaccessible et évité à son
tour au profit du parc au prix d’un détour pittoresque par l’A86 et quelques zones
coquettement pavillonnaires. Le retour à l’avenant, avec, pour éviter les
encombrements de l’autoroute de l’Ouest, une inspection en bonne et due forme
de la banlieue chic, Vaucresson, Garches, Saint-Cloud, Neuilly, vraiment cossu, ça donne une bonne impression du pays. En tout deux
heures et demie de voiture pour trente minutes de grand air. Mais je suis vraiment
ronchon. N'ai-je pas enfin été au bout du Grand canal voir à quoi
ressemblaient les peupliers qui ferment la perspective vue de la
terrasse du château ? Depuis l'âge de huit ans je me demandais comment c'était tout là-bas, maintenant je sais. Et n’ai-je pas entraperçu La Lanterne où mon Nico et sa
Carla filent le parfait amour ?
Grain de poivre
Pour une fois ce matin au courrier il n’y avait pas que des
factures ou des décomptes de Sécurité sociale. Mais un fabuleux chèque de 30 000
euros grâce auquel j’allais enfin pouvoir m’offrir tous les petits et grands
bonheurs de l’existence, des voyages, une auto, des beaux habits qui allaient
en plus susciter l’envie de ma parentèle, de mes voisins, de mes amis et
connaissances. Et quoi de plus jouissif dans la vie, je vous le demande, que de
rendre son entourage jaloux ? Enfin à y regarder de plus près je ne les
avais pas tout à fait gagnés ces 30 000 euros, il fallait encore que mon
numéro de la chance soit tiré. Et que je colle correctement les bonnes
gommettes aux bons endroits si encore j’arrivais à me retrouver dans le fatras
de prospectus qui accompagnaient le fac-similé du fameux chèque. Comme à l’école
maternelle, si je me trompais, eh bien, je serais punie. Et tant pis pour le Grand
Prix Exceptionnel.
Vous me croirez si vous voulez, je les ai collées les
gommettes. Si je touche le chèque, je vous le dirai. Promis.
J’ai de vilaines mains. Et ça ne s’arrange pas avec le temps. Tout à l’heure dans le métro j’admirais celles, fines, soignées, aux ongles en amande, à la peau brune et serrée, d’une jeune femme qui voltigeaient gracieusement telles des oiseaux-mouches sur des copies qu’elle corrigeait sur ses genoux. Et je me demandais l’effet que ça faisait d’avoir de semblables merveilles au bout des bras.
Grain de poivre
A la suite des voeux électroniques que vous avez pu lire précédemment et que j'ai envoyés à mes amis et connaissance via messagerie, Jo, un de mes bons amis, m'adresse le courriel suivant :
"Avant, nous recevions des vœux. A présent il
faut aller les chercher . Si on veut savoir ce que les copains nous souhaitent,
il faut allez sur leur site ! Il en va de même de certaines factures
de téléphone ou d'internet.
La seule question est : le fait de ne pas se
connecter sur le site de celui qui indique où l’on peut lire ses vœux
implique-t-il que ceux-ci ne se réaliseront pas et inversement que, si l’on se
connecte, les vœux se réaliseront à coup sur ! Pour les factures, elles sont
prélevées de toute façon. Alors peut-être que les vœux se réalisent même
si on ne se connecte pas !"
J’ai dépassé il y a peu sur la route une semi-remorque à l’enseigne
de l’entreprise Deceuninck, concepteur gammiste de profilés. Après quelques
instants de réflexion j’ai finement compris que cette société concevait des
gammes complètes de profilés, les fabriquait et les commercialisait (d’où le
camion). Les profilés, mine de rien, tout le monde en a besoin un jour ou
l’autre, ils sont indispensables dès qu’on veut monter des cloisons légères, réaliser
des structures de stands d’exposition, de vitrines ou de présentoirs, etc. Le
marché est large et prometteur. Mais comment diable a-t-on, au départ, l’idée de
se lancer dans le profilé ?
http://www.batiproduits.com/materiaux_construction/fabricant/deceuninck_sas_1000104949.htm
Grain de poivre
J’adore ronger les os, je les nettoie, il n’en reste pas même
le cartilage. Evidemment cette faiblesse fait mauvais ménage avec les bonnes
manières. Dommage que la pince à os vantée dans le livre « La cuisinière
de la campagne et de la ville, Nouvelle cuisine économique » n’ait pas eu
le succès annoncé en 1849.
« Les
enfants quand ils mangent avec leurs doigts disent qu’ils se servent de la
fourchette du père Adam.
Est-il
donc possible que six mille ans après le premier homme on en soit encore à son
procédé pour manger et sucer un os et ne rien laisser de la chair savoureuse
qui l’entoure ? Est-il convenable que les gracieux doigts de nos dames
(pour ne parler que des nôtres) conservent toute une soirée l’odeur des côtelettes
ou des perdreaux du dîner ? Comment en effet éviter le grand inconvénient
de ne pas toucher du bout des doigts l’arête d’un poisson de prix ou de ne pas
être tenté de saisir l’aile d’un gibier délicat ? Comment se fait-il que
dans le dix-neuvième siècle on soit condamner à se brûler et à se salir les
mains en mangeant des artichauts et des asperges ?
Il
était dû à notre siècle éminemment progressif de créer la Pince à os qui
bientôt se retrouvera sur toutes les tables, car, par son application aux usages
dont nous venons d’indiquer quelques uns, elle devient aussi indispensable que
la cuillère et la fourchette.
M.
Audot fils (fournisseur des princes), déjà si connu pour la fabrication de
l’orfèvrerie de table et de thés et des nécessaires de voyage, a reçu un brevet
(sans garantie du gouvernement) pour cet objet de premièren nécessité. On
trouve de ces pinces à 5 F et, au-dessus, soit en acier, en maillechort argenté
et en argent (rue de Richelieu, 91). »
Grain de poivre
Je goûte actuellement aux délices du petit déjeuner télévisuel. Ca m’arrive rarement mais c’est une vraie source de joie, un moment qui illumine toute la journée qui s’annonce et en cette saison les journées ont besoin d’illumination. Donc je tombe sur une séquence de téléachat et la télévendeuse fait la réclame d’un fond de teint illuminateur lui aussi en spécifiant bien que pour qu’il fasse tout son effet ce produit doit être étiré soigneusement sur tout l’espace-peau. Des fois qu’on aurait l’idée bizarre d’en enduire son espace-cheveux.
Grain de poivre
Une sélection de perles a atterri dans ma boîte mél. Je
les soupçonne d'être en grande partie fabriquées mais comme elles m’ont fait
rire je vous en livre certaines.
Toute sa vie Montaigne a voulu écrire mais il n’a fait que
des essais.
Les devoirs où il y a des conjugaisons s’appellent des
devoirs conjugaux.
Dans le monde il n’y a que la France qui ne soit pas un pays
étranger.
Jeanne d’Arc voyait des apparitions invisibles.
La Drôle de guerre, cependant, n’a fait rire personne.
L’eau de mer, en particulier, sert à remplir les océans.
Au pluriel, on dit les cristaux car il y a plusieurs cristals.
Etc.
Grain de poivre
Ce matin j’ai eu une prise de bec avec un goujat qui me volait mon tour dans une queue. Il m’a abreuvée d’insultes. Les injures sexuelles habituelles y sont passées mais l’invective qui m’a le plus stupéfiée a été « Vous êtes tellement laide que vous polluez l’environnement ! » Je n’en suis toujours pas revenue. La preuve, j’en fais une note.
Grain de poivre
– Vous descendez ?
– Ca y est, on descend.
– On n’est pas au rez-de-chaussée ?
– Non, au deuxième sous-sol.
– C’est curieux, j’avais l’impression qu’on arrivait au
rez-de-chaussée.
– Tiens, ça remonte.
‑ Ah, enfin. Bon, allez au revoir, hein !
Grain de poivre
C’est fou ce que les vieux moins âgés que moi me paraissent
jeunes. Jadis c’étaient les jeunes plus âgés que moi qui me paraissaient vieux.
Mais en la matière la relativité est de règle. Je viens de
tomber sur un CV en ligne concernant un développeur senior L.A.M.P. Le senior
en question a 29 ans.
Grain de poivre
C’est incroyable, ça fait trois fois que je t’appelle, évidemment tu ne réponds jamais. Tu pourrais au moins consulter ta messagerie de temps en temps. Résultat, j’ai poireauté tout l’après-midi à t’attendre. Si j’avais su, je serais parti de mon côté. Comment, ton portable était allumé et tu n’as pas entendu ? Toi aussi tu as essayé de me joindre ? C’est la meilleure, je n’ai rien entendu…
Grain de poivre
Propos recueillis par Grain de poivre
Figure-toi qu’ils ont un nu au dessus de leur lit. Mais
alors, un nu très nu !
Propos recueillis par Grain de poivre
C’est toujours la même histoire. Les toubibs te disent que
ça n’est rien du tout. Une fois qu’ils t’ont charcutée, ils s’en fichent. C’est
vrai que, la cataracte, tu entres le matin et tu sors pour le déjeuner. Mais ce
qu’on ne te dit pas, c’est que pendant quatre semaines, il ne faut surtout pas
te maquiller. Tu te rends compte, un mois sans poudre. De quoi je vais avoir
l’air ?
Quand on se promène à cheval on voit des choses qu’on ne
saisit pas lorsqu’on est à pied. En ce moment, observer l’entretien de la campagne
est un enchantement. La moisson du maïs est presque terminée. Le blé sort, le colza fait des feuilles. Les labours sont impeccables, les sillons
s’alignent bien régulièrement et rythment le paysage. Les fossés de drainage sont
curés, leurs bords bien marqués, et les bordures de champs passées au
girobroyeur. Les sous-bois à palombière sont nets de ronces et de broussailles.
Une profonde impression d’ordre et de paix se dégage de l’ensemble. On voudrait
que ça dure toujours.
Grain de poivre
Cette année l’automne en Gascogne revêt des couleurs
somptueuses. Les jaunes surtout sont particulièrement riches et chauds. Tout le
monde en est frappé et se congratule. Voilà au moins un bonheur donné également
à tous en partage
Grain de poivre
Je fais des listes, des listes de courses, des listes de
tâches à effectuer, des listes de personnes à inviter, etc. Ces listes me
servent évidemment d’aide-mémoire. Mais je les établis surtout pour le plaisir
de barrer les items. Une fois que tout est rayé, je peux recommencer…
Grain de poivre
Retrouvez un joli ventre après 30 ans avec les gélules Machin. Et dans trois semaines « petit bidon » et « petite bouée » ne seront plus qu’un mauvais souvenir. Le baratin publicitaire juge utile de préciser « Important : pour obtenir un maximum d’efficacité n’oubliez pas de manger équilibré, de bouger et de boire beaucoup d’eau. » A 30 ans ces conseils devraient suffire, non ?
Grain de poivre
Moi, le cheval j’ai rien contre. Mais ce que je reproche,
c’est que ça mange. Deux fois comme une vache.
Grain de poivre
Ouais, tu comprends, ce mec-là, si je le choppe je lui
écrabouille la tête.
Avec les enfants, j’ai attrapé la gastro.
Qu’est-ce qu’on prend comme pain ?
Bon allez, salut. Et baise bien !
Ces trucs de Chine, ça vaut rien. Moi, j’en achète plus.
Moi, je me suis fait le pont. Je me suis posé le vendredi et
le samedi.
J’ai emmené ma mère faire les magasins. Après on est allé
déjeuner dans un café et on s’est engueulé. Comme d’hab.
Eh bé, on va attendre demain voir le temps qu’il fait !
Non mais t’as vu ce type, un peu plus il m’écrasait !
Parisiennes ou gasconnes, ces paroles ?
Grain de poivre
Ces temps-ci une grande effervescence
règne dans toute la campagne autour des cimetières. Chacun nettoie et fleurit les
tombes de sa famille. Croyants ou mécréants les gens n’en démordent pas, la
Toussaint, c’est la fête des morts et les morts on les honore. Chaque commune
veut sa messe et sa bénédiction de cimetière et il y a parfois plusieurs
églises dans une même commune. Les curés sont débordés. Pendant environ trois
semaines ils écument le pays célébrant plusieurs fois par jour et à des
horaires bizarres des offices anticipés ou retardés par rapport à la date
officielle du 1er novembre.
Quoi qu’il en soit, ces cérémonies sont l’occasion d’un
grand concours de peuple, de retrouvailles entre parents et voisins et bien
entendu de commentaires sur l’existence et l’éternité. Un adage revient
souvent : « Hé, sum pas d’aqui… ».
Grain de poivre
Allo, bonjour Madame Grain de poivre, Thibaut Duchmole à
l’appareil. Bricor, un nouveau magasin de déco vient d’ouvrir à Mirande et nous
vous appelons pour vous offrir un cadeau de bienvenue. (Je n’ai pas le temps
de dire ouf, tant son débit est rapide mais je laisse faire curieuse de la
suite.) Alors, Madame Grain de poivre, pour vérifier si vous avez vraiment
gagné ce cadeau, j’ai besoin de quelques renseignements.
Pouvez-vous me dire quelle est l’année de naissance de votre conjoint ? (Et
si je n’avais pas de conjoint, ça n’est pas une obligation que je sache.) Je
lâche quand même 44. Bon très bien, 44. (Pourquoi très bien ?) Et savez-vous combien vous
faites de kilomètres pour aller au travail ? (Ca c’est une colle :
je ne prends pas ma voiture tous les jours pour aller au boulot vu que je bosse
chez moi, mais il m’arrive d’en avoir besoin et je déclare des frais
kilométriques.) Allez, à la louche, 40 kilomètres. Et enfin, Madame Grain de
poivre, quel est votre nombre fétiche entre 1 et 9 ? (Mais il me prend
pour une imbécile ma parole, il pourrait aussi bien me demander combien de fois
je fais l’amour dans la semaine. Mais allons jusqu’au bout pour voir.) Je
déclare donc 3. Merci beaucoup, je vérifie sur mon écran… Voilàààà, le
résultat apparaît, vous avez gagné deux cadeaux sur trois ! (Qu’est-ce
que ça cache ce deux sur trois ?) Un colis de spécialités
gastronomiques régionales et un sèche-cheveux de 1 200 watts. Attendez-là,
Monsieur Thibaut, quel est le rapport entre le pâté, le sèche-cheveux et la
déco ? C’est un cadeau de bienvenue, Madame Grain de poivre ! Alors
dites-moi quand vous allez venir le chercher, avec votre conjoint (décidément
il y tient,) entre le 1er et le 5 novembre. Je ne sais pas
moi, à l’occasion. J’ai besoin d’une réponse, Madame Grain de poivre, pour
vous envoyer le courrier de confirmation. Vous êtes gentil mais je n’ai
aucune raison de m’engager auprès de vous. Je passerai peut-être. Mirande est à
16 km et je n’y vais pas tous les quatre matins. Alors je regrette mais je
dois considérer que vous renoncez à votre cadeau, au revoir Madame Grain de
poivre.
Me voilà punie. Mais je m’en fiche moi de son panier garni et de son
sèche-cheveux !
La grande maison m’attend au garde à vous avec sa bonne odeur de fumée, de bois, de moisi, de poussière et de fleur fanée. C’est un ventre où j’entre et me vautre.
Grain de poivre
La semaine dernière je pique-niquais en aimable compagnie sur la plage des Cavaliers entre Bayonne et Biarritz. Il faisait mauvais, l’endroit était désert et nous avions trouvé refuge contre le vent à l’abri de blocs de rochers disposés le long de la rampe d’accès. Soudain, une jeune fille se dresse devant moi et me salue. J’avoue ne pas la reconnaître instantanément. Mais bien sûr, c’est une de mes jeunes voisines gasconnes dont je n’ai d’ailleurs fait la connaissance que cet été. Revenant d’Espagne, elle a décidé sur une subite impulsion d’aller jeter un coup d’œil à la mer. On n’est jamais incognito nulle part. Et j’aurais pu être accompagné de Nicolas et non pas de Nicole…
Grain de poivre
Il fait bon, je m’installe à la terrasse d’un café. A 16 h, changement de service, le garçon passe et me lance « Je vous encaisse ? ». Mais comment donc, encaissez-moi, encaissez-moi. Ca me fait penser au "Vous êtes virée" du banquier, au "Je vous coupe la tête ?" du poissonnier et au "Je vous fait les pattes" du coiffeur. Et bien sûr à la vieille blague "Coupez-lui la tête, ça lui fera les pieds !".
Grain de poivre
J’ai découvert avec consternation que la balance à affichage « digital » en verre dépoli du dernier chic et hors de prix que j’ai achetée l'an passé après avoir lorgné dessus pendant pas mal de temps vu le montant de l'investissement ne donnait pas le même poids selon l’endroit de la salle de bains où je la posais. La différence peut aller jusqu’à 500 grammes. Pour moi qui surveille ma corpulence avec tant de soin et de privations depuis tant d’années, c’est une véritable arnaque. Dire qu’il y a des jours où je me suis privée de dessert pour perdre ces fichus 500 grammes ! Quand j’avais une balance mécanique de quatre sous, au moins je connaissais ces aléas géographiques, je l'étalonnait à l’endroit le plus optimiste. Quand je ne mangeais rien au moins c’était pour quelque chose !
Grain de poivre
A la une de Paris-Match, Flavie Flament déclare « Mon
nouvel amour a transformé ma vie ». On l’espère bien, sinon à quoi bon !
Accessoirement, notre égérie télévisuelle donne un truc à tous ceux qui en ont
marre de la vie qu’ils mènent : il suffit de changer d’amour. C’est quand même plus folichon que de changer de boulot, d’aparte ou de chemise.
Grain de poivre
Parmi tous les êtres humains qui peuplent la terre, quelques
uns me sont en quelque sorte échus. Je n’en ai choisi qu’un, mon mari. Les
autres, mes parents, mes sœurs, mes enfants, mes petits-enfants, mes gendres,
non. Mais ça n’a pas d’importance. C’est cet homme-là et pas un autre qui est
mon époux, cet enfant-là et pas un autre qui est mon petit-fils, cette jeune
femme-là et pas une autre qui est ma fille. Beaux ou quelconque, intelligents
ou pas, gais ou tristes, heureux ou malheureux, malades ou en bonne santé, je
dois les prendre tels qu’ils sont et vivre avec eux cette vie-là et pas une
autre qui est la mienne.
Les enfants sont capables de jouer des heures sur un tas de
sable. Châteaux, tours, routes, tunnels, ponts, leur instinct bâtisseur les
entraîne dans des constructions éternelles et conventionnelles. Mais ils ne
sont pas les seuls. Sur les plages et dans les jardins publics, bien des
adultes profitent sans vergogne de l’alibi parental pour mouler, construire, creuser,
sculpter, décorer. Petits et grands, tous ont une vocation d’ingénieur des
travaux publics.
Grain de poivre
Depuis le temps qu’on s’active à améliorer les choses pour que ça soit mieux demain, on se demande comment il y encore des trucs qui clochent.
Grain de poivre
Ca y est, les vacances sont finies. Les enfants rentrent en
classe. Les adultes leur demandent « Elle est gentille, ta maîtresse ?»,
« Est-ce que tu as retrouvé tes petits camarades ? » Ou s’exclament
« Déjà au CP, mais ça commence à devenir sérieux ! » Les petits
sont tout à la joie d’étrenner leurs fournitures, de flairer leur gomme, leur
crayon et le papier neuf des livres et des cahiers, de faire crisser la craie
sur l’ardoise, de manipuler les boucles de leur cartable. Ils ignorent que la
nostalgie de ces sensations simples et fondamentales les accompagnera toute
leur vie.
Je reçois épisodiquement des catalogues de commissaires
priseurs. Ils sont toujours magnifiques. Les tableaux sont parés de couleurs
fraîches, les commodes brillent de tout leur vernis au tampon, les bronzes
affichent des ors profonds, les tapis un moelleux cossu et des teintes soutenues.
Quand on se rend à la vente, alléché par de telles merveilles et des estimations
encourageantes, on est déçu. Les tableaux sont goudronneux, les
commodes écaillées, les bronzes noircis et les tapis rapés et délavés. Ce qu’a
montré le catalogue, c’est surtout le talent du photographe.
Pour les programmes télé, c’est pareil. Quand on voit la
bande annonce des « prime time » de la semaine, on se dit qu’on n’aura
pas assez de soirées : les téléfilms promettent d’être passionnants, les
séries palpitantes et les « réality shows » captivants. Quand on se
retrouve devant l'écran, c’est rarement à la hauteur de l’attente...
...Bon, là, je vous laisse, il y a « Rendez-moi justice »
sur la 3...
Grain de poivre
De même que je raffole des manuels, j’adore les
outils. C’est bien normal : pour réaliser ce qu’enseignent les uns, les
autres sont nécessaires. Le seul ennui est que le matériel de bonne qualité
coûte cher, et comment travailler correctement avec des instruments bas de
gamme ? Alors je commence par les repérer, puis je les caresse du regard,
je les contemple dans les catalogues, je vais leur rendre visite dans les magasins, j’essaie de les oublier, je me
dis que je peux m’en passer. Et puis un jour, ma convoitise est la plus forte,
j’achète. Et là, c’est le bonheur. Je me hâte de m’en servir, je leur trouve
une place, je les apprivoise, je les bichonne. Reconnaissants, ils me le rendent
en se coulant à ma main et en m’obéissant au doigt et à l’œil. Certains sont
ainsi à mon service depuis plus de trente ans. A mon service mais pas aux
ordres. Car s’ils m’ont appris quelque chose, c’est bien qu’ils ont toujours
raison.
Grain de poivre
Il s’appelle Michel Lamirant-Bassoues et il est entré gendre
dans les années 50. Son beau-père, ouvrier autodidacte de génie, a fondé une
boîte de pièces détachées automobiles prospère. Le jeune ménage habite à Passy
et s’assimile rapidement à la bourgeoisie haussmannienne. Quand le beau-père
meurt, Michel prend naturellement sa succession. Dans le cadre de ses nouvelles
fonctions, il suit les cours du prestigieux IHEDN (Institut des hautes études
de la Défense nationale). Il n’en faut pas plus pour qu’il s’invente un passé
de pilote de chasse et se sente une âme de général. Et du reste c’est ainsi
qu’il se fait appeler désormais. Tout le monde gobe.
Toute ressemblance avec des personnes de votre connaissance serait naturellement fortuite.
Grain de poivre
Aujourd’hui, je suis retournée au bureau déjeuner avec Mireille. C’est une impression étrange que de pénétrer dans un endroit où on pouvait il y a peu encore aller et venir en toute légitimité et où il faut désormais une sorte d’accréditation pour dire bonjour à ses anciens camarades de travail. Plus on avance dans la vie, plus la liste de ce genre d’endroit s’allonge. Ce sont les appartements que l’on a occupés, les bureaux où l’on a travaillé, les maisons de famille qui ont été vendues, les locations de vacances que l’on a colonisées, les hôtels où l’on est passé, les établissements scolaires où l’on a été inscrit… Désormais, c’est de l’extérieur que ces endroits se revisitent. Cependant, il suffit de fermer les yeux pour s’y transporter : derrière telle fenêtre, il y a telle pièce, et dans le coin, là à droite, une lame de parquet qui grince ; l’enfilade des couloirs dans la pénombre de la sieste sent vaguement le moisi ; le fantôme d’une amie de classe se tient debout de l’autre côté d’une muraille devenue transparente, des timbres de voix résonnent sous la véranda. Et les nouveaux venus ne savent rien de tout cela. Comme moi avant eux.
Grain de poivre
Journaliste, conseil en communication institutionnelle. Cavalière. IEP Paris.
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