Grain de poivre

Elèves infirmières

A Auch cet après-midi la nouvelle promotion de l’école d’infirmières battait le pavé. Ces demoiselles revêtues de plastique blanc couvert d’inscriptions sibyllines essayaient d’obtenir auprès des passants quelques euros en échange de bonbons. Elles étaient fraîches et délurées. Difficile de ne pas se laisser faire. Surtout quand on pense qu’il ne sera finalement pas si désagréable d’être vieux et malade si on tombe entre leurs mains.

Appellation d'origine

C’est la pleine saison de la prune d’ente. Tant pis pour Dante.

Mariage pour tous

Grâce au projet de loi Taubira sur le mariage, les hommes et les femmes vont pouvoir continuer de convoler en toute tranquillité. C’est quand même une bonne nouvelle. Parce que ces dernières années, on a senti comme une frilosité de nos concitoyens vis-à-vis de cette antique institution. Comment et pourquoi s’engager si on n’est pas sûr de sa pérennité ? Et en plus, on nous représente que le mariage de deux hommes, de deux femmes, d’un homme et d’une femme, c’est l’égalité républicaine enfin accomplie. Alors là, je proteste. Tant qu’un frère et une sœur, deux frères, deux sœurs, un enfant et l’un de ses parents (à vous de compléter) ne pourront se marier il n’y aura pas de justice. Un long chemin reste encore à parcourir avant de mettre fin à l’aliénation morale judéo-chrétienne.

Yachts

Pas un reportage sur les riches sans un gros plan sur une marina de luxe. Les vrais riches ont tous des yachts. C’est la preuve obligatoire de leur réussite. J’en conclus que s’ils passent à bord des vacances de rêve entre un assortiment de bimbos pour les messieurs et une ronde de gigolos pour les dames, plus un certain nombre de bouteilles de champagne pour désaltérer et occuper la cour de leurs amis*, c’est qu’ils n’ont pas le mal de mer. Moralité, pour ne pas avoir le cœur au bord des lèvres quand on navigue, il suffit d’être riche.

* Le bonheur d’être riche c’est en effet de boire du champagne à gogo dans les bras d’un autre que soi, entouré d’admirateurs serviles.

Parure

Quand on vend dans un vide-grenier on signe une déclaration sur l’honneur attestant qu’on n’est pas un professionnel et qu’on ne se livre pas à cette activité plus de deux fois par an. Plus un autre item que j’ai oublié. On fait aussi la tournée des collègues, histoire de savoir ce qu’ils vendent et de recycler éventuellement ses propres gains. Donc, le jour des deux euros (cf. ma note d’hier), j’avise un voisin spécialisé dans les parures féminines, entendez des culottes et des soutien-gorge assortis. Il en a des centaines de toutes les dimensions (et dans le coin, il faut tout prévoir, surtout les grandes tailles), de toutes les teintes (du violet au vert pomme en passant par le léopard) pour la modique somme de cinq euros. Les lectrices apprécieront la bonne affaire. Je l’interpelle hypocritement : « Et c’est dans votre grenier que vous avez trouvé tout ça ? » Il m’envoie paître en grommelant. Quand j’avise les édiles chargés de percevoir la taxe au mètre linéaire d’éventaire, ils haussent les épaules. Qu’y peuvent-ils ? Ce qui les intéresse, c’est qu’il y ait du monde. La loi, ils s’en fichent. Et puis, on ne va pas devenir un peuple de cafteurs, quand même !

vide-grenier

J’aime bien les vide-grenier de village. On y fait parfois des trouvailles. Parfois rien du tout. Tant pis ça sera pour la prochaine fois. Je suis tour à tour vendeur et acheteur. En avril les affaires ont bien marché, une centaine d’euros en une matinée. En août, ça a été désastreux : deux euros dans le même temps. D’ailleurs, les badauds ne faisaient que baguenauder, le porte-monnaie verrouillé. Signe des temps ? De plus en plus de gens vendent des vêtements, les leurs et ceux de leurs enfants. Avant, on les donnait aux œuvres.

Profusion

Début septembre la nature montre ce dont elle est capable. Les arbres fruitiers croulent sous leur propre poids, le potager foisonne. Lasse de faire des confitures que personne ne mange, je donne les prunes et les pêches aux chevaux. Des fruits totalement “bio” pour cause de flemme et parfaitement sains qui tombent à terre. Ils pourriraient s’ils n’étaient donnés aux chevaux qui en raffolent. Mais dénoyautés, s’il vous plaît. Car les chevaux, contrairement aux chiens par exemple, ne vomissent pas. S’ils s’étranglent avec un noyau c’est la mort.

Colonie de vacances

Chers amis et fidèles lecteurs, j’ouvre avec les vacances scolaires ma jolie colonie de vacances. Merci Grand-Ma. Rendez-vous donc lundi 3 septembre. Je vous souhaite un été plein de piquant.

Sacrés livres !

Je réponds au commentaire de l’amant de la cousine Bette sur ma note TVA sociale. J’ai longtemps pensé moi aussi que les livres étaient sacrés. D’abord, il était mal élevé de sauter des paragraphes, voire des lignes, encore plus de ne pas aller jusqu’au bout. Ensuite, quand on les avait acquis il était obligatoire de les conserver même s’ils vous avaient barbé. Et puis j’ai changé. Un beau jour je me suis révoltée devant leur tyrannie. J’ai convoqué Emmaüs qui en a emporté les trois quarts. Je me suis sentie allégée de pas mal de kilos. Evidemment, le cirque a repris et les étagères se sont repeuplées. Je me demande vraiment ce qui nous tient ainsi. Si, par exemple, j’écrivais un bouquin qui soit publié, au nom de quoi les lecteurs éventuels devraient-ils me conserver ? Ce n’est pas parce que c’est édité que c’est digne de subsister.

Eté

C’est l’été. On attend le soir pour profiter de la tiédeur de l’air après la canicule de la journée. On a envie de marcher. De marcher et encore de marcher. Les voisins aussi. La preuve, on les rencontre sur la petite route, les petits enfants courent devant, lutins en pyjama. Les chevaux arrivent quand on les siffle, reçoivent trois caresses et des mots doux, s’abreuvent et s’en vont indifférents à l’autre bout de la pâture. Les foins sont finis, les tracteurs se sont tus. C’est le genre de soirée qu’on attend depuis le fond de l’hiver.

Suborneur

Les romans du XIXème siècle sont peuplés de suborneurs. Ces vils personnages n’ont qu’une idée en tête, séduire une oie blanche, la compromettre et rafler la dot. Suborneurs et scélérats ont disparu, les jeunes filles aussi. Sans parler des dots. Les ont remplacés les salauds, les nanas et… rien du tout.

Autosuggestion

Il n’y aura pas de second tour dans la première circonscription du Gers. Philippe Martin, PS, a été élu au premier tour. J’en suis malade. J’ai bien tort. Mes compatriotes sont majoritairement ravis. Si j’adoptais leur point de vue, la présidence de Bizounours et la perspective de l’application de son programme me rendraient toute joyeuse. Mais, j’ai beau essayer, je n’y arrive pas.

Cerises

Les chiens adorent les cerises. Il faut les voir sauter pour les attraper. Personne ne les aurait crus capables d’une telle performance. Moi aussi, mais je ne saute pas. Actuellement les haies sont truffées de merisiers. C’est juchée sur mon fidèle Nadir que je me régale. Le pauvre canasson a commencé par renâcler. Pas marrant de s’avancer dans les fourrés et d’y rester immobile le temps que maman se rassasie. Jusqu’au moment où l’animal a brouté les feuilles puis les fruits qui pendaient dessous. Et là, plus question de s’en aller.

Abeilles sans pitié

La surmortalité des abeilles serait due aux abeilles elles-mêmes. Elles tueraient leurs congénères qui rentrent à la ruche en sentant l’insecticide. Odeur attrapée lors des traitements agricoles. Que faire ? Des intrants parfumés à l’acacia ? Pas du tout. Il suffirait, paraît-il, de traiter lorsque les hyménoptères dorment, c’est-à-dire la nuit.

Abeilles sans pitié

La surmortalité des abeilles serait due aux abeilles elles-mêmes. Elles tueraient leurs congénères qui rentrent à la ruche en sentant l’insecticide. Odeur qu’elles attrapent lors des traitements agricoles. Que faire ? Des intrants parfumés à l’acacia ? Pas du tout. Il suffirait, paraît-il, de traiter lorsque les hyménoptères dorment, c’est-à-dire la nuit.

Au voleur !

Je ne vous l’avais jamais confié mais je suis cantonnier. J’entretiens les bas-côtés de la route qui passe devant la maison et qui, sur trois cents mètres, du petit cimetière à la croix de pierre forme un balcon d’où l’on a une vue magistrale sur toute la chaîne des Pyrénées. Les habitants du hameau, les promeneurs, les cyclistes et moi-même apprécions beaucoup l’endroit que j’embellis encore en fleurissant le fossé. Ma tondeuse tombe en panne sèche. Je vais chercher un bidon d’essence et un entonnoir que je laisse dans l’herbe en comptant les récupérer plus tard. Le temps de terminer mon jardinage municipal, le matériel s’est envolé. Du jamais vu dans le quartier. Les voisins sont stupéfaits. Imaginez, un pays où tout le monde part en laissant la maison ouverte, fait ses courses en oubliant la clé de contact dans la voiture et où le seul larcin commis en toute bonne conscience est le chapardage des champignons.

Veuve éplorée

- Et alors, le pauvre, il est mort comme ça, en arrosant son jardin?

- M’en parlez pas. Il avait même pas fini ses médicaments !

Lotissement

C’est un lotissement d’une vingtaine d’années dans un village de la France rurale. Il signe la grande époque du ciment : enduits, appuis de fenêtres, soubassement de clôture métallique, limites de plates-bandes, bords de trottoirs. Le goudron aussi était à la mode, surtout devant le garage dont on aperçoit le bric-à-brac lorsque la porte roulante est ouverte, un congélateur, des outils, un tuyau d’arrosage, les vélos des enfants, la tondeuse. L’ensemble commence à prendre un air défraîchi. Le béton s’épaufre, les portillons s’écaillent, la peinture des volets a passé. Les jardinets sont soignés, petits gazons taillés au millimètre, pots de fleurs en rang d’oignons le long de la façade, boîtes aux lettres normalisées, numéros de rue en faïence décorée. Pas de cordes à linge mais des cerisiers prometteurs, gages d’agapes dominicales près du barbecue maçonné. Parfois un cèdre ou un pin a dû en rabattre. L’élagueur est passé par là. Trop envahissant sans doute pour ne pas faire d’ombre aux voisins. Devant une maison, des mannequins vêtus d’habits de gala miment des scènes champêtres, volailles de plastique à leurs pieds. Un peu plus loin une statue de vieillard sortie du musée Grévin se dresse près du portail. Décidément, ils ont la manie du simulacre dans le quartier. Mais la voilà qui s’anime brusquement et chasse l’intrus que je suis. L’air est calme en ce milieu d’après-midi. Les oiseaux gazouillent, les tourterelles roucoulent tant qu’elles peuvent et quelques chiens aboient au passage d’un piéton avant de retomber dans leur somnolence. La France ronronne.

J’aime les émissions animalières d’Arte en fin de journée. Aujourd’hui la vedette était un lynx espagnol, espèce en danger, de je ne sais quelle réserve naturelle. A la fin du reportage, l’ambiance n’était pas gaie. Notre fier animal était mort d’un banal accident de la circulation. Il s’était fait écraser par une voiture. Et voilà comment fondent les derniers euros de l’Espagne glanés à grands coups de subventions communautaires.

Boîtes normalisées

Comme il fait vraiment très mauvais mon tractage s’est terminé en boîtage. J’ai fait les boîtes aux lettres du village sous une pluie battante munie de mon stock de prospectus pro NS. Pas facile. Certaines, les petites en fer étamé surtout, sont particulièrement malcommodes. On doit se contorsionner pour y introduire la moindre feuille de papier. Il faut être passé par là pour comprendre la normalisation imposée par la Poste.

Timbres en deuil

J’achète des feuilles de timbres à la Poste. La guichetière me propose des vignettes artistiques que je refuse gentiment. Elles ne conviennent pas au courrier professionnel, il m’en faut des rouges et des grises (tarif éco). « Vous avez raison. Les timbres rouges ça va pour tout mais les gris c’est mieux pour les deuils. », commente-t-elle.

Jeunes gueules

Ce sont les vacances de Pâques. Les petits- sont arrivés. Ils crient et se chamaillent. On dirait un débat politique.

Ame d'enfant

N’importe quel gosse sait ça : quand on veut forcer une porte qui s’ouvre vers l’intérieur on se sert d’un bélier, quand elle s’ouvre vers l’extérieur on utilise un pied-de-biche. Ca tombe sous le sens. Mais moi je ne l’ai appris que récemment en regardant une émission sur nos chères petites têtes brunes. Décidément, je n’ai pas conservé une âme d’enfant.

Dentisterie équine

Tant qu’on n’a pas eu un animal, on ne peut pas se rendre compte. C’est comme avec les gosses. Prenez Frichti, un brave cheval de quinze-seize ans, qui a tendance à maigrir. Ca inquiète papa et maman, forcément. Le vermifuge n’a pas donné de résultat particulier, ça doit être les dents. L’animal mâche mal, sa nourriture ne lui profite pas. La femme de l’art introduit un appareil de torture pour lui garder la bouche ouverte et à l’aide d’une râpe emmanchée sur une sorte de perceuse électrique lui lime les dents. Les mandibules du chéri devraient enfin pouvoir fonctionner normalement. Effectivement, dès aujourd’hui j’ai pu constater un appétit nouveau, un entrain à mastiquer qui réjouissent l’âme.

Susceptibilité footballistique

Le lundi matin à la radio on est saoulé par les résultats des matchs de foot du week-end. C’est donc d’une oreille distraite que j’ai entendu qu’un joueur avait été furieux d’être traité de sale Corse, à quoi son agresseur verbal avait rétorqué « Je ne l’ai pas insulté, je lui ai juste dit “sale con” ! » Tout est une question de point de vue.

Tractage

Il y a un début à tout. Pour moi, ce matin, ça a été le tractage pour le président-candidat au marché hebdomadaire de Seissan. Le Gers est un solide fief socialiste. Tellement acquis à la gauche que ses représentants ne se donnent même pas la peine d’aller à la rencontre de leurs concitoyens. Car la concurrence était maigre. Les supporteurs de Bayrou et Le Pen se sont contentés des pare-brise mais sont restés invisibles dans la rue. Pour moi, je suis allée au contact. Et j’ai été agréablement surprise par la réaction des gens. Finalement ils ont été peu nombreux à m’envoyer paître. Mais c’est peut-être que nos  compatriotes sont plus polis qu’on ne pense.

Pessimum

Note époque est plus latiniste qu’on ne croit. Le maximum effraie les optimistes au minimum tandis que la solution optimale rebute les pessimistes. Finalement, le service minimal serait l’optimum. Mais qu’en est-il du pessimum ?

Jeunes

Ah, de mon temps, les jeunes… Air bien connu depuis la nuit des temps. Tout le monde sait qu’il faut que jeunesse se passe, qu’un jeune homme doit jeter sa gourme pour devenir adulte, etc. Aujourd’hui, les jeunes sont “instinctifs”, traduisez difficiles mais c’est pas de leur faute. C’est la réalité des choses !

Eternel masculin

Décidément, on ne les changera pas. Toujours persuadés qu’ils sont irrésistibles. Même trop gros, même vieux, même moches et ramollis. Tenez, prenez, au hasard évidemment, un type comme DSK. Eh bien, jamais au grand jamais, il ne lui est passé par l’esprit que c’est autre chose que son charme naturel qui attirait des nuées de jeunes femmes dans son lit. Et même encore maintenant il persiste. Quel discernement ! Merci Nafissatou.

Lâcher

C’est le dernier truc branché. Il faut lâcher prise. Ne pas se prendre la tête pour mieux prendre son pied. Car c’est dans les relations amoureuses que le lâcher prise s’impose désormais.

Rondeurs

Quand un M. bstr dés. renc. D. sincère, simple, gaie, n-fum. pr vie à 2 et + si aff. et ajoute “rondeurs acceptées” ça signifie qu’il veut une grosse.

Race

J’ai écouté Axel Kahn hier soir. D’après lui, les races humaines n’existent pas. Il n’y a qu’une seule race humaine. La preuve, le génome unique. Donc, on peut enlever le mot de la Constitution mais ça ne retirera pas le racisme. En revanche, et là je n’ai pas très bien compris pourquoi, pour les animaux c’est différent. Il y a bel et bien des races de chiens. Par exemple, des bergers allemands et des épagneuls bretons. Il définit en effet la race d’après la ressemblance due au nombre élevé de caractères physiques communs des membres d’une espèce (je transcris approximativement, mais l’essentiel est quand même la similitude de l’apparence) Je n’ai pas osé poser la question de peur de paraître idiote mais il me semblait que les chiens qui pouvaient se reproduire, si j’ose dire, dans tous les sens devaient eux aussi avoir le même génome. Quelqu’un peut-il m’éclairer ? Enfin, j’imagine que ce qui est vrai pour les chiens l’est aussi pour les vaches et les chevaux.

Histoire d'eau

L’eau est chère. Il faut l’économiser disent les écolos. Et pour que les gens soient incités à y faire attention, il faut qu’elle soit encore plus onéreuse. Oui mais voilà, les écolos sont à gauche. Et à gauche on trouve que l’eau est tellement inabordable que les pauvres ne peuvent même plus se laver tous les jours. En conséquence, il faut leur fournir l’eau à l'oeil. Mais si elle est gratuite, ils vont la gaspiller. Tout ça est bien compliqué. Le plus simple serait que le travail permette à chacun de payer ses factures.

Philo

Ca a commencé quand j’étais jeune, en classe de philo. Je n’ai jamais rien compris à la philo, sauf si on m’avait laborieusement expliqué avant ce qu’il y avait à comprendre. Depuis j’ai soigneusement évité la philosophie et les philosophes. Mais hier j’ai été rattrapée par ma stupidité. J’ai assisté à une conférence sur Simone Weil et je n’ai rien compris. Sinon que les philosophes pouvaient être prompts à se quereller.

Huissier

Pour la première fois de ma vie j’ai recours à un huissier. L’immeuble est magnifique. A l’interphone, une voix mâle suspicieuse me demande ce qui m’amène. C’est au premier. Le propriétaire de la voix se tient dans la porte. Si je veux bien patienter un instant, on va me recevoir. L’instant est long. Assise dans le vestibule sur un banc de bois j’ai tout loisir d’observer les lieux et leurs occupants. L’appartement haussmannien est superbe et la peinture à rechampis défraîchie. Les salons ont été convertis en bureaux. L’éclairage est chiche. Pas un bout de tapis. Le ballet de jeunes gens en jean qui semblent composer le personnel de l’étude fait claquer ses talons sur un parquet vaguement ciré et très grinçant. Tout le monde s’agite d’une pièce à l’autre et trimbale des piles de dossiers d’ici à là et de là à ici. On est chez Balzac.

Hubble

J’ai vu « Hubble » à la Géode. J’aurais dû être éblouie par la performance des dépanneurs de l’espace qui réparent le télescope en plein espace reliés à la navette Atlantis par un simple filin. Par l’infinité des systèmes solaires de notre galaxie, la Voie lactée, et les pouponnières à étoiles. Eh bien non, je n’ai pas été particulièrement épatée. C’est magnifique pourtant et je ne parle même pas de la métaphysique bon marché que suscitent ces images inouïes. Mais j’ai dû voir une fois de trop « 2001, Odyssée de l’espace » et « La guerre des étoiles ».

Classe

J’essaie une robe, j’aime les robes. Hélas, elle n’est pas ronde. La jeune vendeuse, une demoiselle tout à fait charmante, n’a jamais entendu parler d’arrondi. Je lui explique donc qu’un vêtement mettable ne pendouille pas mais doit être, en tout point de son ourlet, à hauteur constante du sol. C’est simple : on monte sur une table et une tierce personne armée d’une règle pose des épingles à niveau. Ensuite il n’y a plus qu’à coudre l’ourlet d’après les repères. Ah, ça alors ! Notre tendron ignore aussi que les bretelles de lingerie doivent être invisibles et en tout cas exactement superposées, que culotte et soutien-gorge sont de même couleur, qu’une jupe ou une robe ne dépassent pas du manteau, etc. Abasourdie par tant d’exigences, elle lâche : « Ouais, mais ça, c’est pour quand on veut faire classe ! »

Bombes à graines

Aussi marrant que les bombes à eau que les sales gosses balancent sur la tête des piétons, les bombes à graines raviront les jardiniers facétieux. Vous prenez de l’argile que vous malaxez en boule avec du terreau et des graines de plantes rustiques et robustes. Vous jetez votre projectile sur un terre-plein, une bordure de route, une friche urbaine, dans les pattes des buissons du jardin public voisin. Et vous attendez. Avec des conditions météo favorables, vous allez voir vos protégés germer, croître, fleurir, voire produire des légumes, à l’étonnement des passants. Ah, le sentiment de puissance du guérilléro jardinier !

Escorte

Boulevard Malesherbes, des motards de la Police nationale arrêtent la circulation à coups de sifflet impérieux. Autos et passants, tout le monde se fige. On attend, la curiosité gagne, qui est-ce, peut-être le président de la République ? Une pelleteuse et deux camions-poubelle font leur apparition. Fin de l’épisode.

Russes

Passé le premier moment d’exaspération et de rejet, on comprend pourquoi les Russes sont sans-gêne, ivrognes, braillards, bâfreurs, dépenaillés, barbares. Pendant quatre vingts ans, ils ont été prolétarisés, contraints de vivre dans des conditions telles que celui qui ne bousculait pas ses semblables signait sa perte. Quand on vit entassé à trois ou quatre familles dans un appartement collectif dont personne ne voudrait chez nous, il faut gueuler et terroriser les autres pour avoir accès qux chiottes le matin avant les autres. C’est la loi du plus fort. Dans ces conditions, toutes les règles du savoir-vivre minimal ont été perdues, oubliées. La génération active qui gagne aujourd'hui de l’argent avait dix ans au moment de la chute du communisme. Comment aurait-elle pu déjà réinventer ex nihilo un code social civilisé ? Combien de temps faut-il à un peuple pour reconstituer des règles et des coutumes qui rendent la vie commune supportable ?

Bédouins

Quoi de plus exotique qu’un Bédouin ? Le mot-même vous propulse dans Le Crabe aux pinces d’or, on se souvient de La Femme du bédouin, on se met dans la peau d’Indiana Jones. Eh bien, en Egypte, vous pouvez reléguer ces phantasmes au rayon des déceptions amères. L’excursion « Safari en jeep à la découverte du monde bédouin » est une arnaque doublée d’une honte nationale. Après trois quarts d’heure dans un 4x4 Toyota, secoué comme un prunier, assis sur un siège si bas qu’il a les genoux sous le menton et le dos en compote, le touriste débarque au milieu de nulle part entre deux montagnes rocheuses. Devant lui quelques cabanes en roseaux mal ajustés, misérables. Non loin, des chameaux baraquent en attendant leurs cavaliers. Un gamin tient la longe et, le pigeon à peine installé tout là-haut, profère « bakchich, bakchich ! » Un peu plus loin, une femme étale un pâton et cuit le pain sur une tôle chauffée au crottin de chameau. La galette mince comme une feuille est délicieuse. Puis le groupe est prié de se diriger vers un atelier de tissage. Lequel est digne de celui que, en ma qualité de père Noël, j’ai offert dans les années 80 à l’une de mes filles. D’un bord à l’autre du « village » bédouin, on se prend les pieds dans des fils de fer rouillés, des boîtes de conserves éparpillées, des vieilles semelles racornies et divers autres déchets. Comme l’Homme de Cromagnon, le Bédouin égyptien jette ses ordures à la porte de sa tanière. Dans ce désastre on est saisi par la misère des gens. Aussi ai-je été consternée lorsque les organisateurs nous ont invités, sur le coup de 17 h, à un « dîner bédouin », lequel reproduisait celui que nous servait ordinairement l’hôtel. Qu’avions-nous besoin de ce repas supplémentaire ? Quelle honte que cette nourriture inutile exposée devant ces miséreux maigres comme des clous ! Nous espérions qu’au moins ils profiteraient des restes. Mais était-ce digne de les encourager dans cet assistanat ? Cette exhibition de misère à des fins lucratives m’a profondément troublée. Rien à voir avec les fiers hameaux touaregs traversés voici trente ans au Sahara.

Egypte 2

Non, il n’y aucun danger à faire du tourisme en Egypte en ce moment. Du moins dans les zones classiques où l’on ne voit pas plus de flics ni de militaires que partout ailleurs, plutôt moins même que dans les pays du même tonneau. En revanche, l’économie du pays est en voie de sinistre accéléré. Dans la région d’Hurghada, au centre de la côte de la mer Rouge, des centaines de chantiers d’immeubles d’habitation sont laissés à l’abandon. Plus d’argent pour continuer. La vache à lait du pays, les touristes, s’est tarie. Trente couverts le soir dans un hôtel prévu pour environ sept cents clients. Même les Russes disparaissent, c’est dire. Du coup, le personnel se retrouve à la porte du jour au lendemain : eux qui avaient un bel uniforme, de quoi manger copieusement et une paie assurée sont subitement dépourvus. Ils vont rejoindre le troupeau des sans-travail du bâtiment. Comment vivront-ils ? Mystère. Il paraît qu’ils maigrissent. Mais c’est anecdotique. L’important, nous a seriné un guide, c’est que le pays fait la révolution, se libère et qu’enfin les Frères musulmans pourront faire la loi.

Euro

A en juger par l’obstination avec laquelle les Egyptiens tâchent d’obtenir le moindre centime d’euro (harcèlement intense du touriste), il n’y a aucune inquiétude à avoir sur la confiance que les pays pauvres placent dans notre bien-aimée monnaie.

Souvenir d'enfaon

La biche

La biche brame au clair de lune

Et pleure à se fondre les yeux

Son petit faon délicieux

A disparu dans la nuit brune.

 

Pour raconter son infortune

A la forêt de ses aïeux,

La biche brame au clair de lune

Et pleure à se fondre les yeux.

 

Mais aucune réponse, aucune,

A ses longs appels anxieux !

Et, le cou tendu vers les cieux,

Folle d’amour et de rancune,

La biche brame au clair de lune.

 

Maurice Rollinat

 

S’il vous plaît, ne postez pas de commentaire.

Tape tapera

A en juger par le nombre d’adhérents aux diverses fédérations, l’équitation serait le troisième sport pratiqué en France. Sans compter les chevaux. Après le foot, sans doute, et j’imagine le rugby ou le tennis. Des activités où on est amené à taper. C’est sans doute pour ça qu’on s’entretue parfois à l’occasion de matchs de foot. Allez prétendre après que le sport est une valeur éducative !

Articulation douloureuse

« Aujord’hui, le prix de l’arqueu de Triomphe a été couru à Cagnes pass’qu’il pleuvait trop à Paris. »

Mamelles

Si on regarde les choses avec un peu de recul, on s’aperçoit que ce n’est pas la campagne présidentielle qui fait le fond de notre actualité mais les seins. Les prothèses pip et les soutien-gorge Lejaby sont les mamelles de notre destin.* Un vieux fantasme d’ailleurs, Sully ne disait-il pas déjà « Labourage et pâturage sont les mamelles de la France. »

*Pour les jeunes générations, cf la chanson de Boby Lapointe : Avanie et framboise...

Traduction nippo-française

J’ai acheté récemment un grand couteau de cuisine japonais. Couper avec cet instrument est un vrai bonheur, une sensation nouvelle. Mais pour garder son tranchant, la lame doit être repassée sur une pierre spéciale (hors de prix) que j’acquiers aujourd’hui. Coup d’œil au mode d’emploi. La version française recommande de laisser tremper la pierre deux à trois heures dans l’eau avant de s’en servir. Ca fait long. Je consulte le texte anglais, puis l’allemand. La durée n’est plus que de trois à cinq minutes. Mystère des traductions automatiques.

Cobaye

Les laboratoires BioTrial recrutaient la semaine dernière par voie publicitaire et radiophonique des cobayes pour tester leurs médicaments pour diabétiques. L’expérience est rémunérée : 1 200 €. Je n’ai vraiment pas de pot. Parmi toutes les maladies que je collectionne, pas l’ombre d’un diabète. Douze cents euros, ça m’aurait quand même intéressée. C’est vraiment pas juste.

Boucan métropolitain

Sur le quai du métro deux Noirs, pardon deux blacks, font brailler leur radio sur de la musique techno. Un vacarme épouvantable et difficilement supportable. Je m’approche : « Bonjour Messieurs, est-ce qu’il serait possible de baisser le son, s’il vous plaît. » Instantanément ils mettent leur appareil en sourdine. Ils ne vont pas l’éteindre quand même, il ne faut pas exagérer. Mais enfin, l’espace est tout à fait vivable. Les autres voyageurs qui avaient visiblement souffert du boucan paraissent subitement soulagés. Mais leur figure se ferme lorsque je lance : « Eh bien, il suffit de demander. » Mes deux lascars se marrent.