Comme personne ou presque ne connaît les mécanismes des
retraites, tout le monde dit n’importe quoi. Ayant travaillé plus de vingt cinq
ans pour la caisse Arrco des transports routiers, j’en connais fatalement un
rayon.
D’abord, on ne peut en aucun cas fusionner la retraite des
salariés du privé et celle des fonctionnaires, des employés d’entreprises
d’Etat ou même celles des travailleurs indépendants. Ce serait mélanger les
pommes et les radis. Tout simplement parce que la retraite des salariés du
privé est gérée par des structures paritaires ou sont présents à égalité les syndicats
des patrons et les syndicats des salariés. Cette organisation découle
directement de la refondation sociale de l’après-guerre. Historiquement il y a
d’abord eu la Caisse vieillesse de la Sécurité sociale : la retraite est
assise sur une première tranche du salaire. Comme ça ne suffisait pas à assurer
aux cadres une retraite en rapport avec leur revenu d’activité a été créée en
1947 l’Agirc, toujours sur le principe du paritarisme. Puis, on s’est rendu
compte que même pour les employés et ouvriers la Sécu c’était un peu court. Donc
les partenaires sociaux ont créé les caisses Arrco. Actuellement, Arrco et
Agirc gèrent et assurent la retraite dite complémentaire des salariés du privé.
Les administrateurs sont obligés de trouver des solutions à l’équilibre des
retraites s’ils ne veulent pas un jour être dégommés par l’Etat. Comme c’est
arrivé à l’Assurance vieillesse : paritaire en principe, elle est
entièrement passée sous le contrôle de l’Etat puisqu’il a fallu recourir à
l’impôt pour assurer son financement. De ce point de vue, il est injuste de
souligner que les retraites des salariés de l’Etat et assimilés sont les seules
à être payées par le contribuable. En réalité, le contribuable paie pour
presque tout le monde.
On voit bien que le système paritaire ne peut s’appliquer
aux services et aux entreprises de l’Etat : au nom de quoi le patronat se
mêlerait-il des affaires de ce dernier ? De même, les travailleurs
indépendants ne peuvent avoir d’organismes de protection sociale de type
paritaire : au nom de quoi, les syndicats de salariés se mêleraient-ils de
leurs affaires ? Les régimes spéciaux sont donc obligés. Ils ont été mis
au point dans chaque « entreprise » (SNCF, RATP, EDF-GDF, etc.) via
la négociation entre l’Etat-patron et les syndicats de salariés. D’ailleurs
actuellement, il n’est absolument pas question de supprimer les régimes
spéciaux, comme certains – même de bord opposé – voudraient le faire croire
mais de les réformer pour au moins les harmoniser. Et les rendre plus
présentables aux yeux du travailleur du privé. Un pas a déjà été fait par le
gouvernement précédent qui a porté la durée de carrière des fonctionnaires à 40
ans. Il serait logique que le reste de ses agents suive. Mais en matière de
retraite les paramètres de calcul des droits sont tellement nombreux qu’il est
illusoire de penser atteindre l’égalité entre des régimes différents. Tout au
plus peut-on espérer instaurer une convergence. On se focalise sur la durée, 40 ans, parce que c'est un critère simple pour tout le monde.
Ce qui est plaisant est que les mêmes syndicalistes
adoptent des attitudes diamétralement opposées selon qu’ils siègent au conseil
d’administration de l’Agirc-Arrco ou « représentent » les salariés de
l’Etat.
Indépendamment du sentiment de justice ou d’injustice, tout ça ne serait pas bien grave – et d’ailleurs ne l’a longtemps pas été – s’il y avait assez d’argent pour payer les retraites sans étrangler les générations en activité. Or la croissance est faible (plus il y a de boulot, plus il y a de cotisations), et les gens vont bientôt passer 55 ans à ne pas gagner leur vie : on commence à travailler à 25 ans et on meurt à 90. Calculez.
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