Autrefois, les gens avaient des problèmes de glandes. Les hommes étaient coureurs, les filles avaient le feu au derrière. C’était la faute aux glandes. On n’en parlait qu’à mots couverts et les enfants sentaient bien qu’il s’agissait de quelque chose de pas très propre, de vaguement mystérieux, un truc de grande personne qui ne les regardait pas et dont il aurait été horriblement mal élevé de chercher à en savoir plus. Aujourd’hui les glandes ont disparu au profit des hormones et de la libido qui, elles, s’étalent au grand jour.
Grain de poivre
Dans une ruelle de village deux commères bavardent, l’une est à sa fenêtre, l’autre passait en vélo et a mis pied à terre. Elles ont le temps. Personne ne passe. Elles échangent des considérations éternelles sur le temps, les enfants, les petits-enfants, le jardin. Elles ont autour de soixante dix ans et portent des robes-tabliers mais ça fait des siècles qu’elles existent et qu’elles font face aux maladies, aux guerres, aux crises.
Grain de poivre
Chez le coiffeur on n’échappe pas à son reflet. Il y a des glaces partout et on est là pour ça. Et personne ne prend cette observation inéluctable à la légère. Il n’y a qu’à voir le sérieux avec lequel les gens se regardent. Comme si l’image du miroir renvoyait chacun à l’énigme qu’il constitue.
Grain de poivre
Oh pardon ! dites-vous. Pourquoi pardon ? Vous n’y êtes pour rien s’il est mort et que je le pleure toujours, six ans après. C’est plutôt à moi de vous dire merci. Merci de pouvoir prononcer son prénom haut et clair, un prénom que j’ai tant aimé, le prénom d'un enfant que j’ai tant aimé et qui vit désormais ailleurs, autrement.
Grain de poivre
Comme au début de la semaine des jeunes ont à nouveau été hospitalisés en Seine-Saint-Denis, neuf trois pour les branchés, à la suite d’une surconsommation d’héroïne frelatée. Il est quand même inadmissible qu’en 2009, en plein vingt et unième siècle, on vous vende encore de la marchandise pourrie. Mais que fait la Répression des fraudes ?
Grain de poivre
Il paraît, mais je n’ai pas vérifié l’info, que tous les
gens qui ont les yeux bleus descendent d’un ancêtre commun. Voilà qui donne une
leçon d’humilité. Car quand je vois certaines personnes aux yeux bleus, l’idée
que je puisse être même leur lointaine cousine me rend malade. Sans compter
tous les humains qui n’ayant pas les yeux bleus ont des ascendants aux yeux
bleus, ce qui fait que même avec des yeux noirs, ils sont apparentés aux yeux
bleus. Bon, si vous me suivez toujours, cela signifie tout simplement que comme
nombre de mes congénères je n’aime pas être mélangée à tout le monde. Et n’allez
pas me dire que je suis raciste, certains proches me sont plus étrangers que
pas mal de lointains. Ah, j'oubliais, je n'ai pas les yeux bleus mais ma mère oui.
Grain de poivre
Les téléfilms sont l’exact reflet de notre société. C’est pour ça que je les apprécie. J’en apprends un bout sur mes concitoyens. Mais quand même, il s’en passe des choses derrière mon dos !
Grain de poivre
Depuis le temps que je te dis de ne pas t’occuper des
machines à laver ! C’est toujours la même chose. A chaque fois il y
a un truc qui déteint. Tout est fichu maintenant. Tu as vu la tête de mon
pantalon neuf ? On voit que ce n’est pas toi qui vas te taper d’essayer de
rattraper cette horreur.
Ah, ça, c’est un peu fort. Tu te plains toujours de
tout faire. Je ne cherche qu’à t’aider et voilà ma récompense. La prochaine
fois, tu pourras te fouiller.
Mais pourquoi est-ce que tu mets toujours tout à
bouillir. C’est quand même pas difficile de faire la différence entre le clair
et le foncé ! Tu ne tries jamais.
Je mets à bouillir parce que comme ça on est sûr que c’est
désinfecté. Je ne sais pas si tu es au courant mais l’ébullition ça tue les
microbes. On n’est jamais trop prudent. Après on ne comprend pas
pourquoi on attrape tout un tas de maladies. Mais puisque tu le prends sur ce
pied je ne toucherai plus jamais à une chaussette sale.
Ah mais ça c’est un peu facile. Tu profites de l’occasion pour te défausser. Décidément, tu es toujours de mauvaise foi…
Grain de poivre
Hier je suis allée faire les soldes, histoire de me nipper. On ne trouve que des vêtements noirs. Enfin j’exagère, en cherchant bien on arrive à dégoter du chocolat (noir). Quant aux sacs pour dames ce sont tous d’immenses besaces fourre-z-y-tout. Si bien que grâce à la puissance magique de la mode la population féminine française est transformée en une armée de veuves siciliennes sans domicile fixe.
Grain de poivre
L’épidémie de gastro fait rage. La faculté recommande de se réhydrater, mais doucement. Pas question d’avaler un grand verre d’eau d’un seul coup. Parce que, prévient un médecin télévisuel, « ça repart aussi sec ».
Grain de poivre
Il fait froid et on ne parle que de ça. Pourtant en hiver c’est plutôt normal. Les affolés du réchauffement climatique devraient être heureux. On se demande de quoi on parlerait s’il faisait plus doux. Peut-être de la douceur ? Heureux sommes-nous.
Grain de poivre
L’argot aime bien les mots qui se terminent par o. En général ce sont des termes péjoratifs qu’on peut faire précéder des adjectifs sale ou affreux. Ca marche presque à tous les coups. Essayez avec collabo, facho, aristo, socialo, écolo, coco, clodo, jojo, prolo, macho, homo, négro, prolo, bobo. J’en oublie sans doute. Si vous en trouvez d’autres signalez-les en commentaire. Ca sera rigolo.
Grain de poivre
La bonne santé passe par un bon sommeil et un bon sommeil
par une bonne literie. C’est du moins ce qu’affirment le professeur Touchon du
CHU de Montpellier et le docteur Dietrich Schneider-Helmert (d’on ne sait où)
sur le site du label « Belle Literie ». Et une bonne literie est une
literie neuve. Ils nous apprennent notamment qu'au bout de dix ans (3 650 nuits, 150 000 mouvements de
diverse nature), un lit est hors d’usage et doit être changé. C’est
scientifiquement démontré, on dort mieux sur un bon matelas et un bon sommier
neufs que sur un vieux sac de noyaux de pêche. Sans blague !
Grain de poivre
La caissière à qui je disais « Bonsoir ! » m’a rétorqué péremptoirement : « Non, bonjour. Il n’est pas encore cinq heures ! ». Mais où est-elle aller pêcher ça ? Moi qui me fiais innocemment à la luminosité…
Grain de poivre
On a souvent besoin d’un plus petit que soi. Naufragée sur le coup de midi sur les quais poisseux du rer d gare de Lyon, incapable de déchiffrer les tableaux d’horaires, affolée par la kyrielle des trains affichés (zyck, riva, ripa, zipe, zock, nice, etc.), j’ai cherché en vain l’aide d’un agent de la ratp ou de la sncf. Personne mais alors là personne. Par bonheur, j’ai trouvé du secours auprès des autres voyageurs qui m’ont redirigée sur le bon quai et fait monter dans la bonne rame. Ils étaient tous d’origine africaine, comme on dit pudiquement. J’ai été bien contente de les trouver, ces immigrés-là.
Grain de poivre
Dans les banlieues et souvent dans les villes de province les rues sont anonymes. A croire que les municipalités font des économies sur les plaques. Résultat, c’est le cauchemar, on tourne en rond pendant des heures dans des déserts pavillonnaires ou entre des falaises de béton, de verre et d’acier. L’itinéraire qu’on a pris la précaution d’éditer n’est d’aucun secours puisqu’on ne sait pas dans quelle voie on roule. Personne à qui demander son chemin, pas un café du coin (ils ne lisent pas Le Parisien Aujourd’hui en France dans ce bled ?), pas une pompe à essence (mais où donc les indigènes font-ils le plein ?), pas un passant (ils sont tous au boulot ?). Ni une boulangerie, ni une pharmacie. Rien. Que des feux de circulation qui mettent trois plombes à passer du vert au rouge et inversement.
Grain de poivre
La bagatelle remboursée par la Sécurité sociale ? Ne riez pas. En Amérique latine, ça fait longtemps que les pouvoirs publics ont pris le problème à bras le corps. En décembre 2006, Mme Joao de Souza Luz, maire de Novo Santo Antonio, un petit village du Mato Grosso (Brésil), avait décidé de distribuer gratuitement du viagra à tous les seniors de sa municipalité. Au printemps dernier même chose dans la petite ville de Lo Prado (Chili). Et tout récemment dans le cadre d’un programme de "santé sexuelle" pour les personnes âgées le secrétaire en charge de la Santé de la ville de Mexico, Armando Ahued, vient d’annoncer qu’à partir de dorénavant les hommes de 70 ans et plus pourront recevoir gratuitement la pilule bleue. Ces édiles se soucient en effet du moral de leurs troupes : une vie amoureuse épanouie permet de mieux vivre au quotidien, affirment-ils. Avouez qu’en fait de relance c’est plus b…t que les programmes de soutien bancaires et économiques.
*ou Levitra ou Cialis
Apparemment plus personne n’est handicapé. Maintenant il faut dire « en situation de handicap ». Exemple : « Les Machin ont un enfant en situation de handicap ». Quand j’étais enfant, personne non plus n’était handicapé mais infirme. Et puis infirme est devenu politiquement incorrect. On voyait tout de suite le pauvre bougre traînant la patte accroché à ses béquilles. Ca faisait trop lamentable. Alors tout le monde s’est habitué à handicapé. Pourquoi pas ? Le terme était d’autant plus commode qu’il englobait toutes les misères tant physiques que mentales et les nivelait. Ainsi, un pied-bot valait une surdité, et le crétinisme était, si l’on ose dire, mis sur le même pied que l’hémiplégie. Mais alors qu’on m’explique comment et pourquoi en situation de handicap est moins discriminant que handicapé. Qui a eu cette lumineuse idée ? Veut-on signifier que la situation peut changer et que la poisse n’est peut-être que transitoire ? Ou est-ce une nouvelle cuistrerie sortie tout droit du cerveau imaginatif des fonctionnaires des affaires sanitaires et sociales ?
Grain de poivre
Non, je ne suis pas une mamie mais une grand-mère. Depuis l’âge de 48 ans. Quand je vais chercher mon petit-fils à la crèche et que la puéricultrice annonce au bambin « Voilà mamie ! », j’ai envie de l’étrangler. Et je la reprends assez sèchement. Evidemment la pauvre ne comprend pas. Elle pense être plutôt aimable. Dans les maisons de retraite c’est kif-kif : « Alors la petit mamie va voir ses enfants aujourd’hui ! » Lorsque j’en serai là j’espère avoir encore la force de revendiquer haut et fort la qualité de vieille dame et le titre de madame.
Grain de poivre
Me voilà avertie. En passant dans le hall d’un hôpital où j’avais à faire je suis tombée sur un stand de la Prévention routière. Grâce à leur tout nouveau logiciel je sais désormais que si j’ingère un apéritif et deux misérables verres de vin de 10 cl, étant donné mon âge, mon poids et ma taille, je ne peux reprendre le volant que quatre heures après la première gorgée. L’informatique est sans pitié.
Grain de poivre
Je n’y connais pas grand-chose en économie, les économistes non plus d’ailleurs, mais je me pose des questions. Si les prix baissent, les gens vont gagner du pouvoir d’achat gratis. Il serait alors logique que les salaires, les pensions, les retraites baissent. Et le smic. Et les allocations familiales. Vous imaginez les émeutes !
Grain de poivre
« Tu sais que papa est passé sur le billard. Quand je suis allé le voir tout de suite après il était encore dans les choux. Il y avait un autre type avec lui qui dormait si profondément que je me suis dit tiens on dirait qu’il est mort.. Eh bien figure-toi qu’il l’était, mort. Depuis une ou deux heures. Et personne ne s’en était aperçu. »
Grain de poivre
Le livre déjà ancien « Pourquoi les hommes n’écoutent jamais rien et les femmes ne savent pas lire les cartes routières » m’a bien amusée. Dommage que je ne l'aie pas lu plus tôt. Je le recommande à tous les jeunes ménages, ça leur évitera quelques engueulades. Ce serait même un cadeau de mariage plus utile qu’une batterie de casseroles. Pourtant, j’admets mal que hommes ou femmes nous soyons programmés par nos hormones sans issue de secours comme le suggèrent les auteurs (américains). C’est oublier que nous sommes justement tous des hommes (homines) et qu’intelligence et sens moral nous permettent de dominer de temps en temps nos pulsions animales.
Grain de poivre
Madame, Mademoiselle, Monsieur : il n’y a pas si longtemps aucun discours, aucun JT ne commençait sans cette rituelle apostrophe. Aujourd’hui il semble qu’elle n’ait plus cours. Peut-être parce qu’il n’y a plus de demoiselles ?
Grain de poivre
Un écran
vidéo a été installé dans ma pharmacie habituelle pour faire patienter les
clients qui poireautent en attendant que les précédents aient fini de raconter
leur vie. Déjà mal en point en entrant dans l’officine avec sa petite
ordonnance on ne se doute pas de tous les maux supplémentaires qui peuvent
fondre sur le malheureux et innocent être humain que l’on est. Là, en faisant
la queue devant les spots qui défilent, on a tout le temps d’en prendre
conscience : cors aux pieds, grippe, poux, crevasses, varices,
constipation, rhumatismes, brûlures, plaies, fatigue, acné… sans oublier nos
amies les bêtes guettées par les vers, les tiques, les puces et les dermites.
Heureusement, les publicités l’affirment, tous ces petits bobos qui gâchent
l’existence ont leur remède. Il suffit de passer à la caisse !
Grain de poivre
Il commence à faire froid. Il va falloir mettre les chaussettes à manches longues.
Grain de poivre
Je suis allée successivement ces jours-ci dans deux magasins de fournitures pour professionnels. Le premier, Laverdure, rue Traversière, est spécialisé dans les matériels et matériaux pour doreurs, ébénistes et peintres dans les coins de bâtiments. Le second, Léobert, rue de Charonne, fournit les tapissiers. Je raffole de ce genre d’endroit poussiéreux où sur des étagères de bois attendent des flacons de gomme laque et de vernis zapon, où pendent enfilés sur des cercles accrochés au plafond des chapelets d’éponges naturelles et de brosses à rechampir, où trônent dans des casiers des fers à reparer, des mouilleux et autres appuyeux. Ou alors ce sont des sacs de crin animal et végétal, des boîtes de semences en carton gris, des houseaux aux têtes multicolores, des rouleaux de toile à carreaux, des mètres de jaconas, des bobines de fermeture éclair, des ramponneaux, des tire-sangle… Tous les articles sont autant d’appels au travail. Ils me donnent des fourmis dans les mains, titillent mon imagination. J’ai envie de trouver un prétexte pour les utiliser.
Grain de poivre
J’ai visité cet après-midi le petit Trianon récemment réouvert ainsi que ses annexes. Un vrai bonheur d’équilibre et de savoir-vivre, le témoin d’un degré achevé de civilisation. Une très jolie promenade aux couleurs d'automne. De quoi reléguer au second plan pour quelque temps la grossièreté des motocyclistes, la bêtise des siffleurs de stade et la crasse du métro.
Grain de poivre
Depuis le temps que je me graisse le museau avec des crèmes antirides sensées réparer des ans l’irréparable outrage je me demande comment je n’ai pas encore retrouvé ma frimousse de bébé.
Grain de poivre
Avec la crise financière qui a monopolisé toute l’actualité la semaine dernière on a oublié de se réjouir des bonnes nouvelles : trois Français ont été nobélisés, les Russes ont commencé à quitter la Géorgie, le prix du pétrole a baissé, le salon de l’Auto a connu une affluence record, l’enfant qui s’était pris les mains dans un tapis roulant n’aura pas de séquelles, le temps a été magnifique et les terrasses des cafés étaient bondées. Oui mais voilà, ces événements sont déjà dépassés et ne présentent plus le moindre intérêt. Ainsi tourne l’actualité.
Grain de poivre
Beaucoup plus sexy que la bouteille de Coca zéro sucres*,
les abribus affichent aussi la photo de Monica Bellucci. Aucune idée de l’objet
de la pub, on ne voit que sa bouche ultra ronde et sa peau ultra lisse. Elle me
fiche des complexes. Mais je me console : la photo est forcément
retouchée. Et après tout mieux vaut être une moins belle touchée qu’une très
belle retouchée.
*Voir la note du 4 octobre
Grain de poivre
La bourse se casse la gueule. Nous voici au bord de la déconfiture. Heureusement, il y a le lancement du nouveau Loto. Je vais tenter ma chance et avec un peu de pot j’aurai des liquidités pour acheter des valeurs à bas prix.
Grain de poivre
Il n’y a que la Dépêche du Midi qui informe vraiment. Cet
article relevé dans le numéro d’aujourd’hui en est la preuve (rubrique Lomagne,
commune de Pauilhac).
Bienvenue à Célya
Cette mignonne petite poupée a ouvert les yeux le 4
septembre à la maternité d’Auch ; elle fait la joie de ses parents, Cédric
et Sandrine M., domiciliés au lotissement Belloc. Avec leurs amis, dont ceux de
l’Union sportive, nous adressons nos félicitations et formulons nos vœux de
bonne santé pour le bébé.
Rappelons que Cédric, le papa, est licencié au club et que
Gérard, le papy, est un supporter fidèle et toujours dévoué.
La photo montre le papa, la maman et le bébé sur le pas de la porte de leur maison.
Grain de poivre
A l’occasion de la campagne de sensibilisation sur la maladie d’Alzheimer j’ai appris que Mrs Thatcher en était atteinte. J’en ai été atterrée. Cette maladie me fait mourir de trouille, pour moi, pour les autres, pour ceux qui sont malades, pour ceux qui doivent s’en occuper. Quand elle touche des grands de ce monde elle me paraît encore plus menaçante, Ronald Reagan, Elizabeth Taylor, Jean-Paul Sartre… Si même ces gens qui ont été, qu’on les apprécie ou non, des figures de leur époque sont réduits au gâtisme, que vais-je devenir, moi ?
Grain de poivre
Tout va mieux quand ça va mal. Au moins on a quelque chose à raconter. Car, comme on sait, les gens heureux n’ont pas d’histoire. Chacun peut le vérifier soi-même. Appelez un ami (ou une amie, c’est pareil) pour prendre de ses nouvelles. Il vous informe que ça roule ma poule, son boulot, sa famille, personne de malade à l’horizon, même ses problèmes de fric sont oubliés. Eh bien la conversation tourne court. Au contraire s’il a attrapé un sale truc, qu’il ne dort plus, que sa femme lui fait la gueule, que ses enfants sont odieux, que sa belle-mère a encore semé la zizanie, qu’une fois de plus son patron a fait la démonstration de son ânerie, alors là, vous pouvez en avoir pour des heures. Du côté des médias, idem. Et comme depuis la rentrée l’actualité est mouvementée, nous n’avons pas à nous plaindre : des inondations, un parti socialiste débandé, une essence qui reste chère, la laïcité à la française menacée, une croissance en berne, des banques qui défaillent, des compagnies d’assurances pas rassurées, la bourse qui plonge, etc., tout va bien !
Grain de poivre
On sait que certains animaux domestiques comme les pitbuls ou les vipères lubriques peuvent être dangereux. On n’imagine pas qu’un vulgaire végétal bien sage dans son pot puisse constituer une quelconque menace d’agression. Une de mes amies l’a appris récemment à ses dépens. En transportant son yucca du salon à la terrasse, elle a eu le tympan percé par une des feuilles acérées de la plante. Résultat, deux semaines d’hôpital et sans doute deux mois d’arrêt maladie.
Grain de poivre
Voilà longtemps que
je comptais vous écrire, hélas les jours se sont succédé tous plus remplis les
uns que les autres. Je dis « hélas » de ne pas avoir pris la plume,
non des circonstances car j’ai été très heureuse de cette profusion. Maintenant
que la rentrée a eu lieu, me voilà moins occupée. La maison est rangée,
quoiqu’il reste encore une bonne dizaine de paires de draps à repasser.
Finalement, il a fait beau et nous avons bien profité de la piscine. Les
enfants y font un boucan d’enfer. A vrai dire entre les cabanes, le badminton,
les jouets, les cassettes et les jeux olympiques ils n’ont pas trop su où
donner de la tête. Les voilà pleins se souvenirs et se sensations qui les
aideront à traverser la vie comme les journées ensoleillées de l’été nous
aident à passer l’hiver.
Trois mariages nous
ont donné l’occasion de faire des escapades. Quand je regarde les photos des
sorties de messe je me dis que c’est la même depuis qu’il y a des
photographes : le marié, la mariée encadrés du père et de la belle-mère,
de la mère et du beau-père avec le cortège devant. Tour le monde sourit. Trente
ans plus tard quand on reprend ces clichés on a la suite de l’histoire :
ce qu’il est advenu de ces sourires, combien d’enfants sont nés, qui est mort.
Et la roue tourne, tourne. Tant de foi dans l’avenir, en dépit de toutes les
vicissitudes reçues en héritage, est vraiment touchant et force le respect. Il
ne faut pas désespérer Billancourt.
Ici la chasse a
ouvert et nos tartarins, casquette orange sur la tête (vous parlez d’une tenue
de camouflage), organisent des battues au sanglier mais il y a tellement de
travail dans les champs entre l’arrosage du maïs (on n’imagine pas le boulot
que ça peut être de déplacer les canons à eau ) et la récolte du tabac que les
bêtes noires n’ont pas encore trop de souci à se faire. A propos figurez-vous que la culture du tabac est subventionnée, mais celle de la vigne aussi sans doute. Sans le dire, depuis la
pluie d’avant-hier, chacun attend les champignons, surtout ceux qui poussent
dans les bois du voisin.
J’ai récemment
repensé à ces bruits qui ont circulé sur la légitimité de Benjamin et dont vous
m’aviez fait part. Son père ne serait pas son père mais un autre membre de la
famille. Le premier imbécile venu peut calculer qu’au moment des faits le
géniteur supposé n’était âgé que d’une douzaine d’années. Mais quand les
langues sont lâchées on ne les arrête plus. Quand même il est toujours
intéressant de voir ce qui se cache au fond des âmes bien pensantes et
médisantes.
Ma chère tante
Mimi, j’ai eu de vos nouvelles par les uns et les autres, je sais donc que vous
allez bien malgré le poids des ans.
Je vous embrasse
bien fort,
Votre fidèle Grain
de poivre
Il n’y a pas que
les poules qui picorent. Témoin cette lettre du capitaine d’une compagnie d’un
régiment de piedmont datant de 1622 qui certifie « avoir bien et durement
servi le roi en l’assemblée [en rassemblant] d’une compagnie de recrues dudit
régiment et n’avoir entendu aucune plainte ni reproche de lui [le roi] et
d’autant que plusieurs soldats de la compagnie se sont écartés après avoir
picoré le peuple… » Qu’on se rassure, les picoreurs furent sévèrement
punis et mis au trou.
Mais de nos jours aussi le peuple est bel et bien picoré. Non par la soldatesque mais par l’Etat qui multiplie les taxes à l’envi.
Grain de poivre
Deux chattes ont élu domicile dans la grange qui jouxte la
maison. Ma voisine les abreuve mais ne les nourrit pas de sorte qu’elles sont
obligées de chasser pour survivre. Et nous constatons en effet que la gent
trotte-menu a déserté nos cuisines. Ces chattes mettent régulièrement bas.
Généralement on apprend à nager aux nouvelles progénitures mais pas toujours de
sorte que quelques chatons échappent à la férocité des hommes. L’un d'eux
d’ailleurs ne sait plus des deux qui est sa mère et les tète à tour de rôle.
Bonnes filles, elles se laissent faire. Sans doute ne savent-elles même plus
s’il est ou non leur petit.
Je m’extasiais récemment sur l’attirance quasi naturelle que certains
animaux ont pour l’homme car la tribu vient nous rendre visite des plus
familièrement sans que nous fassions rien pour l’attirer. Sans penser que, ces
tournées ayant généralement lieu pendant les repas que nous prenons dehors, les
bestioles étaient plus sûrement appâtées par l’éventualité de quelque
nourriture que par un quelconque déterminisme anthropique et romantique. Dommage.
Ca y est, c’est la rentrée et cette année elle tombe un lundi 1er septembre. Un vrai signe du Ciel. Les enfants retournent en classe (demain seulement, je sais, mais ils sont déjà tout excités), les bureaux se remplissent à nouveau d’employés revigorés, les journaux reprennent de l’épaisseur, le gouvernement se remet à gouverner et Grain de poivre retrouve son moulin, bref chacun est à son poste. Comme un deuxième Premier de l’an, la rentrée offre une bouffée de promesses qui se traduit dans l’air par une légère effervescence entretenue par la clémence de la température. De même qu’à chaque naissance, chaque renouveau on se prend à espérer. Quoi, on ne sait mais l’espace d’une journée, d’une semaine peut-être, on se dit qu’après tout la vie peut réserver de bonnes surprises.
Grain de poivre
Les beaux jours sont là et suffisent à corser l’existence.
Grain de poivre arrête de moudre pour deux mois et recommencera à tourner en
septembre.
Grain de poivre
J’ai calculé qu’aux beaux jours de ma vie de mère de famille
nombreuse je lavais, étendais et tentais d’apparier 84 chaussettes par semaine,
3 360 par an (en été on met des sandales). J’ai dû tenir le rythme pendant
vingt ans, ce qui donne, à la louche mais au minimum, 67 200 unités. Pourquoi
ne pas compter en paires ? Eh bien justement tout le problème est là.
Parmi toutes les pièces d’une garde-robe standard, les chaussettes ont une
place à part. Elles sont douées de malice. Vous mettez deux chaussettes rouges
au sale et vous n’en retrouvez qu’une au propre. Qu’est devenue la seconde
mystère. Parfois au bout de longs mois vous la découvrez Incompréhensiblement
planquée au fond de la corbeille à linge. Mais dans l’intervalle vous vous êtes
débarrassée de la première, doutant de jamais récupérer son double. Que dire
des chaussettes percées ? Les deux ne sont jamais usées en même temps. Il
faudrait donc jeter aussi celle qui est encore bonne, mais c’est contre nature.
A moins de raccomoder le trou, mais plus personne n’en a le temps sans compter que
dénicher laine et aiguille à repriser constitue une véritable chasse au trésor.
Ou encore de guetter la survenue du même désastre dans une paire jumelle, ce
qui permettrait de reconstituer une paire mettable. Quel boulot ! Quant à
l’assortiment c’est un vrai casse-tête. Si encore les paires de chaussettes de
la famille étaient toutes différentes ou toutes strictement identiques par la
taille et la couleur, ça irait encore mais quand elles sont presque pareilles,
c’est un cauchemar. J’oubliais de préciser que pour cette opération il
fallait la plupart du temps les mettre à l’endroit, le porteur les ayant
retournées en les enlevant, mais pas toujours, ce qui laisse la place à des aléas existentiels toujours renouvelés.
Grain de poivre
Cet après-midi, comme tous les ans, j’ai repiqué mes plants de pétunias « pendula ». Ils pendulaient déjà pas mal avec des tiges longues et grêles mais portaient des fleurs aussi charmantes que parfumées. Après bien des hésitations je les ai pincés assez sévèrement : ils vont s’étoffer et la prochaine floraison, opulente, devrait être au rendez-vous d’ici une quinzaine. Comme souvent dans la vie cet enlaidissement passager n’aura été qu’un mauvais moment à passer.
Grain de poivre
Bonjour ou bonsoir se déclinent de nos jours en toutes occasions. Tout à l’heure à la radio on m’a souhaité une bonne fin de week-end tout de suite après un bulletin qui m’informait d’un meurtre suivi d’une émeute et du crash d’un pilote aux commandes de son petit avion. Mais nos compatriotes sont des altruistes acharnés. Chaque instant de la journée est l’objet d’un vœu : bon début de matinée, bonne fin de matinée, bon appétit, bon début d’après-midi, bonne fin d’après-midi, bon début de soirée, bonne fin de soirée et ainsi de suite. J’ai même entendu bonne digestion. Vous croyez que j’exagère ? Eh bien dressez l’oreille et vous verrez (si j’ose dire).
Grain de poivre
Quand une marchandise ne rend pas les services qu’on attend
d’elle, n’importe quel société de vente par correspondance vous le dira, on
peut la renvoyer et être remboursé : par exemple, un imperméable qui
laisse passer la pluie. Pour le mariage, c’est pareil. Si l’épouse qui est
censée savoir faire la cuisine ne mijote qu’une infâme tambouille, on comprend
que le mari demande l’annulation d’une décevante union pour tromperie sur une
qualité essentielle. Symétriquement, si l’époux n’est pas fichu de fixer une
étagère correctement. En ce qui concerne la virginité, c’est plus compliqué car c’est
justement le mari qui fait un article d’occasion d’un produit neuf.
Grain de poivre
Est arrivée ce matin au courrier une offre adressée à Madame
et Monsieur mais surtout alléchante pour Monsieur. Quel homme n’a en effet rêvé
de disposer d’une assistante compétente, disponible, digne de confiance et
expérimentée ? Las, il s’avère que c’est tout bêtement une société de services
qui propose des prestations de secrétariat privé. Adieu les fantasmes…
Grain de poivre
Les amoureux ne sont pas les seuls à demander sans relâche « Est-ce que tu m’aimes ? ». Le nourrisson braillard, l’enfant capricieux, l’adolescent contestataire, l’adulte désemparé, le vieillard ronchon ne font rien d’autre que de poser cette question. Jésus lui-même n’a-t-il pas dit « Pierre, m’aimes-tu ? »
Grain de poivre
Journaliste, conseil en communication institutionnelle. Cavalière. IEP Paris.
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