La réforme des retraites – qui n’est jamais que la réforme du régime général de la Sécurité sociale car des régimes spéciaux on ne parle jamais – serait injuste parce qu’elle ne tiendrait pas vraiment compte de la pénibilité du travail. C’est peut-être vrai. Le problème est que la plupart des métiers sont éreintants. Le manœuvre porte de lourdes charges, le maçon aussi bien souvent. Le charpentier malgré les filets de sécurité risque tous les jours de se rompre le cou et le couvreur de glisser du toit. Le plombier a intérêt à avoir des genoux en acier inoxydables. Le commercial payé à la commission est soumis à une pression psychologique insupportable. L’agent immobilier monte quotidiennement des dizaines d’étages à pied. Le buraliste-tabac-pmu-maison-de-la-presse doit ouvrir tous les jours même le dimanche. Le boulanger se lève à 2 h du matin et s’endort dans son fournil passé 13 h. Le professeur de collège se fait insulter à longueur de cours par les sauvages à qui il doit enseigner le futur antérieur. Les infirmières, ces héroïnes des temps modernes, sont tellement dévouées que telles des vierges antiques elles semblent toutes promises au sacrifice. L’informaticien se prend la tête. L’agriculteur doit se lever avec le jour, surtout l’hiver. Le président de la République est abreuvé d’ingratitude. L’employé de bureau est stressé par son chef, la secrétaire harcelée sexuellement par son boss. Et la caissière, ah la caissière ! autre égérie de notre époque, ne se gondole certes pas dans sa gondole. Et caetera, et caetera. Et moi, et moi, et moi dans tout ça ? Moi aussi j’ai un job pénible. La peur d’écrire des contre-vérités et de faire des fautes de typographie me taraude, la hantise de livrer un papier en temps et en heure me ronge. Qui s’en soucie, hein ? Et il va falloir que j'attende d'avoir 65 ans pour toucher ma retraite à taux plein...
Grain de poivre
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