Quoi de plus exotique qu’un Bédouin ? Le mot-même vous propulse dans Le Crabe aux pinces d’or, on se souvient de La Femme du bédouin, on se met dans la peau d’Indiana Jones. Eh bien, en Egypte, vous pouvez reléguer ces phantasmes au rayon des déceptions amères. L’excursion « Safari en jeep à la découverte du monde bédouin » est une arnaque doublée d’une honte nationale. Après trois quarts d’heure dans un 4x4 Toyota, secoué comme un prunier, assis sur un siège si bas qu’il a les genoux sous le menton et le dos en compote, le touriste débarque au milieu de nulle part entre deux montagnes rocheuses. Devant lui quelques cabanes en roseaux mal ajustés, misérables. Non loin, des chameaux baraquent en attendant leurs cavaliers. Un gamin tient la longe et, le pigeon à peine installé tout là-haut, profère « bakchich, bakchich ! » Un peu plus loin, une femme étale un pâton et cuit le pain sur une tôle chauffée au crottin de chameau. La galette mince comme une feuille est délicieuse. Puis le groupe est prié de se diriger vers un atelier de tissage. Lequel est digne de celui que, en ma qualité de père Noël, j’ai offert dans les années 80 à l’une de mes filles. D’un bord à l’autre du « village » bédouin, on se prend les pieds dans des fils de fer rouillés, des boîtes de conserves éparpillées, des vieilles semelles racornies et divers autres déchets. Comme l’Homme de Cromagnon, le Bédouin égyptien jette ses ordures à la porte de sa tanière. Dans ce désastre on est saisi par la misère des gens. Aussi ai-je été consternée lorsque les organisateurs nous ont invités, sur le coup de 17 h, à un « dîner bédouin », lequel reproduisait celui que nous servait ordinairement l’hôtel. Qu’avions-nous besoin de ce repas supplémentaire ? Quelle honte que cette nourriture inutile exposée devant ces miséreux maigres comme des clous ! Nous espérions qu’au moins ils profiteraient des restes. Mais était-ce digne de les encourager dans cet assistanat ? Cette exhibition de misère à des fins lucratives m’a profondément troublée. Rien à voir avec les fiers hameaux touaregs traversés voici trente ans au Sahara.
Ah ma pauvre dame, que de déceptions!
Rédigé par : adamastor | 16 février 2012 à 01:49