Le dimanche de Pâques à Orléans
c’est Balzac. Les rues sont désertes et les habitants, après la messe à la
cathédrale pour certains, déjeunent en famille dans leurs maisons douillettes. D’autres
s’aventurent au restaurant. Et là, dixit le guide Michelin, c’est
Chabrol. Enfin, un Chabrol relativement déclassé. L’établissement n’est pas mal
dans le genre cossu provincial. Mais les clients sont loin d’être des notables,
plutôt des commerçants en retraite, les femmes ont frisettes et molles bajoues, les hommes, apoplectiques, menacent d'éclater d’une gorgée à l’autre. Au
milieu de tout ça quelques ados dépenaillés bâfrent comme des porcs. Le couvert
est parfait, assiettes de Gien, couteaux et fourchettes en métal argenté, batterie
de verres à pied hauts de plusieurs décimètres, nappes et serviettes en bon
tissu. Et jeunes serveurs en noir et blanc (voir la note Jean Drouant du 30 mars dernier) : garçons
et filles sont de toute évidence fraîchement émoulus de l’école hôtelière. On
leur a appris à être aimables avec la clientèle et ils le sont. Leur maladresse
est parfois touchante : « Je ne peux pas laisser votre bouteille sur la
table. Ce n’est pas à vous de vous servir de vin. Sinon je vais me faire
gronder », explique notre préposé aux cheveux hérissés de gel mais
heureusement dépourvu de piercings et de tatouages visibles. Sa camarade
bafouille et se dandine en posant les plats : « Tournedos au
roquefort et ses petits légumes », « Sandre sur son lit
d’oseille ». Et lors de la commande de fromage avec une familiarité
déconcertante et déplacée : « Ne vous en faites pas, Monsieur, pas de
souci ! ». Pleins de bonne volonté mais pas stylés.
Grain de poivre
Les commentaires récents