Du temps de Néandertal c’était chacun pour soi et sa tribu.
Mais depuis qu’ils sont civilisés les hommes pratiquent la charité. L’aumône
est présentée dans toutes les religions dignes de ce nom comme un acte
élémentaire, à l’instar de bonjour-bonsoir, s’il vous plaît-merci. L’ennui est
que quand on donne on se démunit. C’est justement là, me direz-vous, que réside
l’intérêt moral de la chose. L’effort, le renoncement. Certes, mais notre
époque en est lasse. Et avec la crise ça ne va pas s’arranger. Les
professionnels l’ont bien compris et ont inventé la charité sans douleur. Une
banque propose dorénavant à ses clients la carte de crédit solidaire, quelques
centimes d’euros supplémentaires sur l’abonnement pour venir en aide aux
miséreux. Ni vu ni connu, le temps d’un sein nu ainsi qu’a dit le poète (Paul
Valéry). Les banques – tiens, encore des banques – alimentaires s’approvisionnent
au caddy des ménagères : ajoutez une boîte de sardines et une tablette de
chocolat à votre marché, vous ne vous en rendrez même pas compte, et
déposez-les dans la caisse au pied de la caisse. Entre nous ce genre de
démarche me rappelle furieusement une exorde fréquente depuis plus de trente
ans lors de la quête dominicale « Tout ce que vous mettrez en plus de
votre offrande habituelle sera reversé à [au choix] la Mission pour la
propagation de la foi, le Comité catholique contre la faim et pour le
développement, les Petites sœurs des pauvres, l’œuvre des vocations, etc. » Encore une astuce que l’Eglise
avait trouvée avant les autres. Passons. Et revenons à nos moutons qui sont les
fonds éthiques, les notations sociétales, le commerce équitable, les codes de
bonnes conduites et… la refondation du capitalisme.
Grain de poivre
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