Non, je ne regrette rien, tel pourrait être le résumé du
recueil de témoignages d’anciens de la Stasi diffusé hier soir tard sur Arte.
Si ces personnes avaient été au service du national-socialisme, il est probable
qu’elles n’auraient pas pu sortir de chez elles ce matin sans être lynchées.
Mais là, comme ce sont des communistes, c’est pas pareil.
Et l’on n’est pas allé chercher des sous-fifres, non, mais
des généraux du ministère de la Sécurité de l’Etat. De leur intérieur douillet
ils évoquent avec complaisance le bon vieux temps. « Et le côté
opérationnel, c’était fascinant » avoue l’un d’eux en éclatant d’un bon
rire, on s’est bien marré, hein !. Le processus de désintégration aussi en
était une bien bonne, « On induisait des troubles psychiques en incitant
les suspects à la consommation d’alcool, de drogue, à la débauche, à
l’adultère, ça les neutralisait », évoque un autre avec gourmandise.
Hommage soit également rendu à leur cher ministre Mielke, un type vraiment
chouette qui laissait les employées monter les premières dans l’ascenseur et
qui trinquait avec les ouvriers, très proche du peuple. Et puis, c’est vrai
quoi, comment ne pas être reconnaissant de son ascension sociale à un Etat qui
vous a tiré de la mouise pour vous hisser au grade de général ?
Mais la Stasi, c’était d’abord et avant tout le service de
l’Etat et donc du citoyen. « Nous devions avoir les mains plus propres que
quiconque », « Nous faisions tout simplement notre devoir de
citoyen », « Nous ne faisions jamais couler le sang. Les gens
disparaissaient, ce n’était pas nous », « Nous prêtions serment au
drapeau, nous devions respecter notre parole », « Nous suivions des
procédures juridiques bien hiérarchisées ». Un boulot pas toujours facile
d’ailleurs : « Après les interrogatoires, quand on rentrait à la maison, on
était à cran. On y pensait tout le temps, c’était difficile humainement, vous
le comprenez »,
Et de toute façon, les accusés, soumis à la question,
désintégrés, savaient bien pourquoi on les arrêtait. Ils avaient tenté
d’entraver l’activité de l’Etat, ils étaient coupables. La meilleure preuve en
est qu’ils ne résistaient jamais quand on les embarquait. C’étaient des traîtres
et pour les stasistes au contact quotidien avec l’adversaire leur conduite
était inqualifiable.
Presque vingt ans après la chute du régime communiste, ces messieurs sont amers, la suite de leur carrière a été brisée, ils ont dû faire de petits boulots et même parfois travailler pour améliorer leur retraite : « On nous a tout mis sur le dos », « A la fin il y a eu des erreurs, on nous a fait faire un travail de police alors qu’on était de la Sécurité de l’Etat ». L’un d’eux n’a définitivement rien compris : « Ma mère est morte dans un camp nazi, je me suis engagé pour que ça ne recommence pas ». Mais une vague lueur semble pénétrer une conscience obscurcie : « Je me disais que si ce qu’on allait nous faire après n’était pas pire que ce qu’on avait fait, ça n’était pas très grave. »
Grain de poivre
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