Il y avait un utrillo
chez oncle Jean et tante Suzie. Oncle Jean l’avait acquis au début de leur
mariage alors qu’ils habitaient Montmartre. On a oublié les circonstances de
cette achat : directement à l’artiste ou à un cafetier qui l’aurait lui-même
reçu en paiement d’une note de vin ? Toujours est-il que cette toile était
accrochée en bonne place et entourée d’un certain respect. Quand l’oncle et la tante prenaient leurs
quartiers d’été, elle prenait quant à elle le chemin du coffre de la banque. Ils
avaient prévu qu'elle serait vendue lors de leur succession au profit d’une
congrégation religieuse. Ce qui fut fait. Comme quoi l’œuvre d’un illustre
pochard peut être en quelque sorte sanctifiée. Vous vous en doutez, ce tableau représentait une rue de la Butte partant en biais avec un mur blanc et aucun
passant. J’ai découvert cet après-midi en allant visiter l’exposition qui est
consacrée à Utrillo et à sa mère Suzanne Valadon que ce que je pensais être une
caractéristique de l’artiste, ces paysages urbains tous pareils, avec toujours la même
rue en biais, était en fait la manière de l’époque de prendre les clichés
photographiques en ville. Car notre homme ne posait pas son chevalet sur le
trottoir mais restait enfermé à recopier des cartes postales en ajoutant la
couleur et en supprimant les humains. D’où la répétitivité de son œuvre, je
dirais même sa monotonie. Pourtant, il a vendu à tour de bras. Mais ses vues
étaient très bien peintes. C’est là que résidait son génie.
Suzanne Valadon pour sa part a trouvé son inspiration partout : paysages, nus, villes, portraits, etc. Sans complexe elle s’essaie à toutes les manières avec beaucoup de bonheur et elle n’a pas peur de la couleur. A mon sens sa peinture est meilleure et bien plus intéressante que celle de son fils. Cependant, c’est avec l’argent de celui-ci qu’elle et son jeune mari, André Utter, ont mené grand train. Le couple appelait Maurice sa poule aux œufs d’or. L’art a peu à voir avec la vertu.
Grain de poivre
Bonjour, j'espère que vous aimerez comme moi cet extrait du roman "Le Bonheur" de Marc-Edouard Nabe, 1988
Le personnage principal, l'artiste peintre Andréa de Bocumar (anagramme de MEN), donne une interview radiophonique où il parle des génies méconnus de leur vivant : Van Gogh, Modigliani, ... et de ceux dont le succès vécu à affaiblit le talent : Picabia, Chirico, Severini, Utrillo.
[Utrillo,] dont le génie s'étiole, toute gloire bue...
l'I. : Vous n'aimez pas Utrillo ?
A.d.B. : Si, beaucoup, mais il ya eu vraiment chez lui Mister Star et Docteur Maudit ! Le dernier Utrillo, entre la grosse Valore et Jeanne d'Arc, passant des heures dans sa chapelle privée à embrasser des reliques avant de peindre de faux Utrillo, n'est pas celui dont sa maman était fière, le roi des cieux parisiens, le maçon des murs pisseux ! Poule tremblotante aux oeufs d'or, enfermé, exploité à fourbir des Montmartres en série, Utrillo est l'exemple type du maudit qui a raté sa malédiction, il était fait pour crever de cirrhose à 30 ans comme les autres... Il a préféré se marier que mourir...
L'I. : Ah, bon ? Pour vous alors, la femme est nocive à l'artiste ?
A.d.B. : Non, pas forcément. Sans sa mère, Utrillo n'aurait jamais peint.
L'I. : Mais sans sa femme il aurait continué, c'est ça ?
A.d.B. : (Rires) Exactement !
[fin de l'extrait]
Rédigé par : tilly | 06 avril 2009 à 10:21
J'ai vu cette expo et il est vrai que si le nom d'Utrillo fait office de publicité pour attirer le chaland, Valadon l'emporte sur el style et la personnalité artistique. Pour ma part, une vraie découverte.
Par ailleurs, votre anecdote familiale me rappelle une des miennes sauf que mon arrière grand-père n'a jamais voulu échanger du vin contre une toile. Dommage qd même ;)
Rédigé par : BULLES °oO° | 09 avril 2009 à 22:42